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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/240

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réunir, puisque le gouvernement prétend qu’il connaît le mal, qu’il a les moyens d’y remédier, le moment est venu pour tous de se décider, de savoir si l’on veut raffermir l’ordre ébranlé ou courir les hasards des crises intérieures sans repos et sans fin.

Que deviennent, pendant ce temps, nos affaires extérieures, et la considération de la France dans le monde, et son influence, et le crédit de sa diplomatie ? Tout se ressent nécessairement de cette confusion intérieure où rien de sérieux n’est possible, où il ne peut y avoir que des résolutions sans suite et sans autorité. Les cabinets qui se succèdent n’ont le plus souvent d’autre alternative que d’abdiquer ou de procéder par de médiocres subterfuges, par une série d’actes équivoques pour suivre une politique qu’ils n’osent même pas avouer. C’est ce qui arrive dans ces affaires d’Egypte et de Tunis, qui avaient certainement de l’importance et qui ont passé jusqu’ici, qui passent tous les jours encore par de singulières phases.

Ce qu’il en sera de cette question égyptienne, ce que l’Angleterre se propose décidément de faire dans une situation où elle s’est créé par les armes une évidente prépondérance, tout cela reste provisoirement assez obscur, assez difficile à préciser. Les nouveaux documens diplomatiques récemment publiés éclairent tout au plus le passé et montrent la fermeté d’attitude de l’ambassadeur britannique, lord Dufferin, dans la conférence de Constantinople, à la veille des événemens qui se préparaient. Les explications échangées dans le parlement qui vient de se réunir fournissent peu de lumières sur l’avenir. Vainement les principaux ministres ont été interrogés dans la chambre des lords comme dans la chambre des communes : lord Granville et M. Gladstone ont mis dans leurs réponses autant de discrétion qu’en mettaient, il y a quelques semaines, les autres membres du gouvernement dans leurs discours de vacances. C’est que l’Angleterre se sent manifestement sous le poids d’une responsabilité aggravée dans une affaire qui, selon le mot un peu énigmatique de M. Gladstone, relève désormais plus particulièrement du cabinet de Londres. Cela veut dire, si nous ne nous trompons, que l’Angleterre se croit, à l’heure qu’il est, spécialement chargée du sort de l’Egypte. Ce n’est pas qu’elle en soit absolument embarrassée. Elle ne se plaint pas d’être maîtresse et souveraine au Caire ; mais enfin elle tient à procéder avec ordre. Elle a aujourd’hui à liquider un passé violent par le jugement des chefs de la dernière insurrection égyptienne, et elle a aussi à poursuivre des négociations délicates avec les autres puissances pour arriver à la constitution d’un ordre nouveau dans la vallée du Nil. Elle tient à ne pas perdre les fruits de sa victoire et à ne rien faire qui puisse lui susciter trop de difficultés en Europe. Tout cela ne laisse pas d’être un problème assez compliqué sur lequel les ministres anglais ont jugé prudent de ne point engager des dialogues toujours plus ou moins compromettans. Ce qu’il