y a de certain, c’est que la France, pour sa part, s’est mise dans une position qui n’est ni flatteuse pour son orgueil, ni aisée pour sa diplomatie. Elle s’est placée dans des conditions d’impuissance presque forcée le jour où, par une sorte d’effarement parlementaire, elle s’est retirée de tout et a décliné jusqu’à cette modeste coopération qui se bornait à la protection de l’isthme de Suez. La France n’a point sans doute perdu le droit d’avoir une opinion sur la réorganisation de l’Egypte et de réclamer des garanties que l’Angleterre d’ailleurs ne lui refusera pas. Elle ne sera pas, cela va sans dire, exclue des négociations et elle trouvera même à Londres, jusqu’à un certain point, le désir de la désintéresser. Elle ne subit pas moins les conséquences de ses contradictions, de son inaction, et elle est d’autant plus liée que les affaires égyptiennes ont une apparence de connexité avec ces affaires de Tunis, qui semblent entrer aujourd’hui dans une phase nouvelle par la mort du bey, Mohamed-Sadok, aussi bien que par la divulgation d’un traité mystérieux qui accentue le protectorat français dans la régence.
À vrai dire, cette question tunisienne, depuis qu’elle a été soulevée, n’a pas porté bonheur à nos gouvernans, et bien qu’elle semble aujourd’hui plus qu’à demi résolue, elle n’a peut-être pas cessé d’être une source de difficultés, même avec l’avènement d’un nouveau bey et le traité qui vient d’être divulgué. Elle ne pèse pas moins sur notre politique de tout le poids des questions mal engagées et mal conduites. Que la France, justement soucieuse de ses intérêts dans la Méditerranée et de la sûreté de sa domination dans le nord de l’Afrique, pût être un jour ou l’autre dans l’obligation de s’occuper de Tunis, de rattacher la régence à sa sphère d’action et que des circonstances particulières aient pu hâter l’heure où il y avait à prendre un parti, tout cela est certes fort admissible. C’était, dans tous les cas, un très légitime objet de sollicitude pour des ministres français ; mais ce qu’il y a eu de malheureux, ce qui a certainement tout compromis en éveillant les suspicions, c’est la manière subreptice, équivoque, dont cette entreprise a été introduite dans la politique de la France, et c’est d’autant plus frappant qu’on sait mieux aujourd’hui quel a été le point de départ de cette singulière affaire, comment tout s’est passé. Ainsi il n’est plus douteux désormais, après la divulgation des secrets de la diplomatie, que la question est née au congrès de Berlin, que M. de Bismarck lui-même encourageait notre gouvernement à s’emparer de la régence et que lord Salisbury, le négociateur de l’annexion de Chypre pour l’Angleterre, laissait à la France toute liberté dans l’affaire de Tunis. Le gouvernement français, représenté à Berlin par M. Waddington, déclinait ces offres séduisantes et préférait s’en tenir à ce qu’il appelait la politique des « mains nettes. » Il laissait l’Autriche aller en Bosnie, l’Angleterre aller à Chypre, gardant pour lui le