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toutes les démarches du souverain pontife en Allemagne, en Belgique, en France même. Qu’il traite avec M. de Bismarck, avec M. Frère-Orban, avec M. de Freycinet, Léon XIII s’est avant tout montré jaloux de maintenir ou de rétablir des rapports diplomatiques entre le Vatican et les divers cabinets. Si peu amicale que puisse être l’attitude des gouvernemens à l’égard de l’église, il tient à ne pas rompre avec eux ; s’il se produit un jour avec la France une rupture analogue à celle que la cour romaine n’a pu éviter avec la Belgique, l’initiative n’en viendra probablement pas du sud des Alpes. Et cela n’est point uniquement esprit de modération ou longanimité chrétienne, désir de laisser retomber tous les torts sur les adversaires de l’église, c’est avant tout prévoyance politique. Une pareille préoccupation se comprend sans peine dans la position faite au saint-siège depuis l’incorporation de Rome au royaume d’Italie.

Les ambassadeurs accrédités auprès du Vatican sont les derniers témoins de l’ancienne royauté pontificale. Leur présence à Rome est en quelque sorte une sanction internationale donnée par les gouvernemens étrangers à la souveraineté extraterritoriale que reconnaît encore au pape la loi italienne des garanties. Au fond même c’est là, et non dans les lois votées au Monte-Citorio et au palais Madame, qu’est la garantie la plus efficace de l’indépendance du saint-siège.

Or, le nombre des représentans des puissances auprès du Vatican a plusieurs fois été sensiblement réduit, et il peut chaque jour l’être davantage par le triomphe au-delà des monts des ennemis de l’église. Il y avait à la mort de Pie IX plus d’un vide dans les rangs de ces ambassadeurs qui, à certaines solennités, défilaient jadis en grand uniforme sous les voûtes de Saint-Pierre pour aller recevoir, de la main du pape, une palme ou un cierge. Ces vides, Léon XIII avait à cœur de les combler ; il craignait de voir toute la représentation diplomatique auprès du saint-siège réduite un jour à l’Autriche et à l’Espagne, peut-être même à quelques républiques hispano-américaines.

La Belgique est un état avec lequel le saint siège peut sans présomption se flatter de renouer tôt ou tard ses anciennes relations diplomatiques. En attendant, le départ du représentant du roi des Belges a été plus que compensé par le retour d’un envoyé prussien. Jusqu’à présent, c’est là le plus grand succès de la politique de Léon XIII. Il est inutile d’en signaler l’importance. Pour le Vatican, devenu une enclave du royaume d’Italie et en apparence à la merci du Quirinal, ce n’était pas un mince avantage que d’avoir ramené auprès du pape découronné un représentant officiel du plus grand souverain protestant du continent et de la première puissance