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I

La Compagnie parisienne d’éclairage et de chauffage par le gaz a pris l’habitude de se regarder comme une grande institution d’intérêt public, et elle mérite, en effet, d’être traitée avec considération. Elle a géré d’immenses capitaux avec habileté et probité, profitant de la belle situation qui lui est faite, mais ne cherchant jamais à l’embellir par des coups de bourse. Elle a créé des établissemens magnifiques à La Villette, à Vaugirard, à Saint-Mandé. L’usine qu’elle achève à Clichy, entre la Seine et le chemin de fer, a coûté 20 millions. En sortant de Paris par le train de Versailles, on entendait encore, au printemps dernier, le marteau des chaudronniers qui achevaient de placer les derniers boulons des gazomètres. Le plus petit de ces gazomètres est plus grand que le Cirque d’été. De Clichy à la place du Théâtre-Français s’étend une conduite de 1m,20 de diamètre ; elle apporte un fleuve de gaz au centre de Paris. Dans la plaine Saint-Denis va s’élever une usine plus grande que toutes les autres : les halles couvrant les fours à cornues, les ateliers d’épuration, les divers magasins, les dépôts de coke, les gazomètres, occuperont près de 40 hectares.

La compagnie a toujours cherché le progrès et essayé les procédés nouveaux. Son fondateur, M. Dubochet, n’était pas seulement un habile financier, mais un ingénieur, et plusieurs appareils inventés par lui ont rendu de grands services à l’industrie qu’il exerçait. Par exemple, on extrait aujourd’hui le gaz des cornues au moyen d’une pompe qui le refoule vers les appareils d’épuration, il y eut un extracteur Dubochet. Il y a aussi des fours Dubochet et Pauwells. Inventeur lui-même, M. Dubochet encourageait les inventions. Il fut des premiers à essayer le four Siemens : les vapeurs brûlantes qui montaient dans les cheminées et allaient se refroidir dans les nuages sont reprises et ramenées au foyer, et ne s’échappent plus qu’après avoir cédé leur calorique. Plus tard, M. Pelouze et M. Audouin, le chimiste fort distingué de la compagnie, proposèrent un épurateur aujourd’hui employé partout. Ils criblent le gaz à travers des cribles de tôle percée de très petits trous : cette simple opération le débarrasse de quantités considérables de goudrons qui allaient salir et quelquefois boucher les conduites. Enfin, la compagnie n’a pas négligé l’exploitation des sous-produits.

Ce mot de sous-produits est dans toutes les bouches depuis qu’on se préoccupe à Paris du prix du gaz. Un conseiller municipal, quand il a le plaisir de rencontrer un de ses électeurs, peut être assuré de s’entendre dire : « Abaissez-vous enfin le prix du gaz ? Avez-vous pensé à tout ce que la Compagnie retire des sous-produits ! » Certes,