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REVUE. — CHRONIQUE.

1,100 francs. Les porteurs d’actions du Crédit mobilier se demandent de quels élémens seront formés les dividendes après 1882 et, ne pouvant trouver une réponse plausible, vendent même à 440. La liquidation de l’Immobilière avait nourri jusqu’ici le Crédit mobilier. De quoi vivra-t-il désormais avec un portefeuille bourré de valeurs invendables et des caisses presque vides ?

La Banque ottomane s’est résolue à faire son émission. C’est une véritable hardiesse de venir offrir cent cinquante mille titres ottomans sur un marché aussi désorienté. Il est vrai qu’il s’agit de titres privilégiés. Les porteurs des obligations de priorité toucheront régulièrement 25 francs par an aussi longtemps qu’il restera un centime à distribuer aux porteurs des anciens titres de la dette turque. La situation est désormais bien nette. Le sultan a fait abandon à ses créanciers des revenus de six contributions indirectes, et ces contributions, gérées par une administration complètement européenne, ont produit déjà un peu plus de 30 millions en 1881. Or l’annuité à prélever en faveur des obligations privilégiées, dont font partie les cent cinquante mille titres offerts en souscription aujourd’hui, n’atteint pas 14 millions. Les garanties sont donc réellement bonnes et deviendront meilleures encore quand les contributions produiront davantage et quand la Société de la régie co-intéressée des tabacs sera constituée. Mais que deviendraient ces garanties si le sultan allait être de mauvaise foi, s’il allait reprendre ce qu’il a concédé et s’approprier les revenus des six contributions indirectes, si la Russie lui déclarait la guerre, si dans un nouveau choc l’empire ottoman se brisait en morceaux, s’il perdait ses dernières provinces, si la nécessité lui imposait une nouvelle banqueroute ? C’est prévoir, dit-on, le malheur de trop loin, et il est exact que, depuis près de trois ans, l’administration des contributions indirectes a donné d’excellens résultats.

La souscription réussira-t-elle ? C’est douteux, le public a peu de confiance. et l’épargne se montre à bon droit circonspecte. Elle viendra plus volontiers à un titre de ce genre un peu plus tard, quand elle le connaîtra mieux, quand l’opinion se sera familiarisée avec cette idée, assez étrange au premier aspect, que le crédit de la Turquie est susceptible de se relever. La spéculation, qui avait escompté en hausse non pas le succès de l’émission, mais l’effort présumé que les neuf établissemens de crédit syndiqués pourraient tenter en vue d’assurer ce succès, a dû se replier en bon ordre quand il est devenu évident que l’état du marché ne comportait pas un tel effort.

Le 5 pour 100 turc, l’Obligation unifiée, l’Extérieure espagnole, l’Italien même ont suivi le mouvement général de réaction sans toutefois donner lieu à des négociations vraiment actives. L’Obligation tunisienne a été soutenue par la perspective de plus en plus nettement dessinée d’une prochaine assimilation de cette valeur à la rente française.