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à celles que présente le terrain carbonifère. Mais les temps n’étaient plus les mêmes et la végétation en particulier avait pris une tout autre apparence. Il n’est donc pas sans intérêt de rechercher quelles sortes de plantes ont amené la production des lits de combustibles dont nous parlons. Il a fallu, pour le savoir, une exploration d’autant plus patiente que dans les couches de Fuveau, malgré la nature fissile de la roche et la présence d’une foule d’indices épars, les débris déterminables, c’est-à-dire ayant conservé leur forme, sont partout prodigieusement rares. En revanche, sur un grand nombre de plaques charbonneuses, on distingue une multitude de résidus de petite dimension, comme s’il s’agissait de plantes réduites par une macération prolongée à l’état de parcelles disséminées et flottantes dans une purée végétale qui aurait occupé le fond des marécages. L’absence de rameaux et de feuilles d’espèces arborescentes et l’abondance des débris provenant d’un amas de végétaux aquatiques décomposés sont visibles dans les plaques bitumineuses de Fuveau et, par conséquent, dans le lignite même de cette région. — À l’exception d’un vestige de palmier, observé une seule fois, et qui accuse un type actuellement confiné aux Séchelles, à l’exception encore des fruits filamenteux d’une nipacée, qui doivent avoir flotté comme leurs congénères actuels flottent sur les eaux du Gange, toutes les espèces recueillies se sont trouvées des plantes palustres ou fluviatiles.

Un type aujourd’hui éteint, mais aussi curieux par son organisation bien définie que par le rôle important qu’il a joué, a dû contribuer pour une forte part à cette abondance de détritus organiques, dissociés et réduits en bouillie. Ce type est celui des rhizocaulées dont les tiges, lâchement spongieuses à l’intérieur, lisses et fermes au dehors, s’élevaient alors au sein des eaux tranquilles, multipliées à l’infini et douées de la propriété d’émettre des radicules caulinaires qui descendaient pour aller, à travers le lacis des vieilles feuilles, atteindre l’eau et s’enfoncer dans la vase. De nombreux fragmens de cette plante curieuse parsèment les plaques schisteuses au contact des stipites de Fuveau. Récemment, un nélumbo ou lotus, cet ornement des lagunes fluviatiles de la Chine, qui se retrouve à l’embouchure du Volga, plus loin dans les eaux du Gange, et peuplait autrefois celles du Nil, a laissé voir d’innombrables empreintes de ses feuilles dans les lits charbonneux exploités à Trets, sur le prolongement de ceux de Fuveau.

Ces faits réunis ont leur signification ; ils annoncent qu’ici la masse du combustible a dû se former à la façon de la « houille de parcelles et bouillie végétales, » c’est-à-dire par le transport de fragmens encore organisés, noyés dans une pâte charbonneuse