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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/717

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ture, l’armée, les finances, l’administration, la liberté des croyances. Si ces républicains auxquels on prêche l’union ne se réconcilient que pour recommencer ou poursuivre la même œuvre ; s’ils doivent revenir au pouvoir avec les mêmes idées, avec les mêmes préjugés et les mêmes faiblesses, rien n’est changé, la crise continue en s’aggravant, en poussant à bout la patience du pays. C’est l’imprévu qui peut se charger un jour ou l’autre de la suite. Si on veut agir sérieusement dans l’intérêt de la France et de la république elle-même, il est évident qu’il n’y a qu’un moyen, c’est de se ressaisir en quelque sorte, de revenir à d’autres idées dans les finances, comme dans l’administration, comme dans les affaires morales et religieuses, de ramener dans la politique l’ordre, la modération, l’équité libérale, la prévoyance. C’est aux modérés qui ne manquent pas, qui ont même le talent plus que les autres, de reprendre cette œuvre, de là tenter du moins pour leur honneur comme pour le bien du pays.

Ce qui est si visiblement nécessaire serait-il donc impossible avec un peu de volonté ? Ce n’est peut-être pas facile, soit ; il n’est pas moins vrai que, toutes les fois que le gouvernement montre une apparence de résolution, il reste maître du terrain. Lorsqu’il y a quelques jours, la chambre s’est perdue dans toute sorte de votes contradictoires sur le traitement des évêques, sur le crédit de M. le cardinal Lavigerie, M. le ministre de l’intérieur, qui avait commencé par tergiverser un peu, n’a eu qu’à parler à la fin avec netteté pour faire respecter le budget des cultes. Lorsque M. le président du conseil a défendu sans hésitation, sans faiblesse, l’ambassade française auprès du Vatican, ill’a emporté sur son adversaire, M. Madier de Montjau, qui est resté ébahi de sa défaite. Lorsque M. le général Billot s’est porté si vigoureusement à la défense de l’hôtel des Invalides, il a dompté toutes les résistances etenlevé le vote de l’assemblée. Preuve évidente que si l’on veut on peut combattre encore avec avantage pourla cause des idées justes, d’une politique sensée. On le peut avec d’autant plus de chances aujourd’hui que, même dans cette chambre dévorée de tant de divisions, livrée à de médiocres influences, il y a une certaine perplexité, un sentiment vague, mal défini peut-être, mais apparent, des difficultés accumulées dans une situation devenue presque impossible. Il y a comme un mouvement de retour à demi saisissable au Palais-Bourbon, plus réel encore dans le pays, et ce mouvement salutaire, il peut certes être particulièrement servi par le sénat. Chose curieuse, en effet ! depuis quelque temps, c’est le sénat qui reprend une importance sensible, qui redevient pour tous l’assemblée sérieuse, modératrice sur laquelle on compte. Le sénat semble recevoir aujourd’hui des circonstances le plus utile des rôles, et pour le remplir il ne peut mieux faire que d’appeler à lui des hommes comme M. Bardoux, qui