sera élu dans quelques jours, qui portera au Luxembourg le concours d’un esprit sérieux, éclairé et libéral.
Au milieu des diversions, des instabilités et des misères d’une politique aussi bruyante que stérile, il est parfois des incidens qui n’ont rien à voir avec l’agitation des partis, qui ne peuvent cependant passer inaperçus, parce qu’ils se rattachent aux plus généreuses traditions de l’esprit et des lettres. Ils rappellent que, dans le tumulte contemporain, il y a quelque part un monde où tout se passe simplement, noblement entre des hommes qui sont les représentans respectés de l’intelligence française. L’autre jour l’Académie des sciences morales et politiques recevait une lettre par laquelle M. Mignet, sans bruit et sans ostentation, lui remettait son titre de secrétaire perpétuel. Il n’y avait pas là de quoi ébranler un ministère ; il y avait de quoi intéresser et émouvoir tous ceux qui attachent du prix aux affaires de la pensée et du goût.
M. Mignet, qui a sa place partout où l’esprit français a une représentation, est de cette Académie des sciences morales depuis le jour où elle a été reconstituée au lendemain de la révolution de 1830 ; depuis 1837, il était secrétaire perpétuel. Il croit aujourd’hui avoir droit à un repos gagné par quarante-cinq années de service, et si on n’a pu refuser à ses instances une retraite à laquelle personne n’avait pensé excepté lui, on n’a pu certes se défendre d’une émotion mêlée de respect en se rappelant cette longue et pure carrière, relevée par la dignité du caractère aussi bien que par l’éclat du talent. M. Mignet ne veut plus être le secrétaire perpétuel « pour être plus libre ; » il laisse du moins à la compagnie dont il est toujours, la parure de son nom et de sa présence, selon l’aimable expression qu’il employait un jour lui-même pour un de ses vieux confrères. Il reste parmi nous un des derniers chefs de cette grande école historique qui a illustré le siècle, qui a compté les Thierry, les Guizot, les Thiers. Depuis qu’il a contribué au renouvellement des études par son lumineux tableau de la révolution française, il a multiplié les travaux, et dans cette fonction même de secrétaire perpétuel, qu’il a exercée pendant près d’un demi-siècle avec un zèle si scrupuleux, il n’a cessé de faire de l’histoire. Il a fait de l’histoire en retraçant dans ses « éloges académiques » les portraits de tous ces personnages qui ont passé devant lui, qui ont été comme lui de l’Académie des sciences morales : Sieyès, Rœderer, Portails, Siméon, Talleyrand, Daunou, Rossi, Cousin, le duc de Broglie, Tocqueville. C’était pour lui, comme il l’a dit, « l’occasion de passer en revue la révolution et ses crises, l’empire et ses établissemens, la restauration et ses luttes, la monarchie de juillet et ses libres institutions, de rattacher les événemens publics à des biographies particulières et de montrer le mouvement général des idées dans les œuvres de ceux qui