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« les populations nous appellent, comprenant que nous ne voulons que leur donner la paix et acheter leurs produits en échange des marchandises dont elles ont besoin. » Cette citation, empruntée à une brochure de M. le général Faidherbe, dont le nom est inséparable de l’histoire du Sénégal, montre la marche essentiellement pacifique que le gouvernement a l’intention de suivre.

M. le docteur Quintin, l’intrépide compagnon de Mage, vient, dans une étude très intéressante parue dans le Bulletin de la Société de géographie, de donner son opinion sur la question du chemin de fer du Soudan : « Loin de moi l’idée que l’entreprise de relier le Sénégal au Niger par des voies ferrées ne puisse se réaliser ; mais ce que je tenais à démontrer, c’est qu’il serait téméraire de penser que la seule influence d’Hamadou (roi de Ségou) pût nous suffire pour traverser en maîtres l’intérieur de l’Afrique, et qu’il faut, au contraire, s’attendre à ce que cet appui nous cause de grands obstacles à mesure que nous approcherons du Niger. » Nous ne nous occuperons pas dans cette étude de l’état politique des populations du Haut-Niger, mais nous tenions à citer l’avis d’un homme aussi compétent que M. le docteur Quintin pour avoir l’occasion d’affirmer notre entière communauté d’idées avec lui.

Les dernières nouvelles reçues du Sénégal nous ont appris que M. le colonel Desbordes avait poussé une pointe hardie dans le Manding et avait traversé le Niger, non loin de Nafadié, pour aller châtier un chef appelé Samori, qui était sans cesse un objet de crainte pour les populations malinkées placées sous notre influence. Le traité passé par M. le capitaine Gallieni avec Hamadou, la défaite des Bambaras à Goubanko par M. Desbordes, la nouvelle exploration de ce vaillant officier supérieur, ont dû pacifier entièrement le Haut-Sénégal et les pays qui le séparent du Ségou. Rien ne s’oppose plus à notre marche en avant. Nous faisons les vœux les plus sincères pour le succès de cette œuvre patriotique, qui, si elle réussit, fera du Sénégal, grâce à l’accroissement de son commerce, une nouvelle Algérie,

Les pays compris entre Médine et le Niger n’ont donné lieu jusqu’à ce jour qu’à de faibles échanges commerciaux. Les Malinkés, de la vallée du Ba-Khoy, viennent quelquefois porter de la poudre d’or et de l’ivoire à nos comptoirs du haut fleuve, puis retournent chez eux avec des fusils, des tissus et de l’eau-de-vie. Les Toucouleurs, plus riches, achètent beaucoup d’armes, des guinées et de l’ambre et apportent en échange de l’or, de l’ivoire, des arachides (koniakery), de la gomme, et des bandes de sar (lés de coton). Les habitans du Logo et du Natiaga ont commencé depuis peu à cultiver pour venir vendre à notre escale.