Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/940

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

[1], illustré de six grandes compositions de M. J.-P. Laurens. Nous l’avons déjà dit : le grand historien, dont le nom depuis déjà longtemps est devenu celui de l’un de nos classiques, n’aurait sans doute pu souhaiter une interprétation de ses récits plus fidèle, plus profondément pénétrée de son esprit, plus mérovingienne enfin, si je puis ainsi dire, que celle de M. J.-P. Laurens. Il y a bien, sans contredit, une part d’artifice dans les compositions du peintre, mais il ne faut pas oublier qu’il y en a une aussi dans les récits de l’historien. Ce qui du moins n’est pas douteux, c’est que la convenance est étroite entre l’impression que l’on reçoit du texte et celle que le caractère très marqué de l’illustration nous procure ; et, en fait de couleur locale, que peut-on demander davantage ? Maintenant je ne répondrais pas que, parmi les scènes dont il avait le choix, M. J.-P. Laurens, dans ce Troisième Récit, ait toujours choisi celles que l’on attendait. Peut-être a-t-il aussi un peu abusé des chevaux, cette fois. La quatrième composition est bien noire ; la cinquième nous a paru maigre et dure. Il y aurait, dans les quatre autres, de ci de là, quelque détail à reprendre, mais l’ensemble emporte le détail, et l’accent y est. S’il existe un artiste aujourd’hui qui ait le sens de ces époques barbares, c’est M. J.-P. Laurens ; et tout récemment encore, il me semblait que cela éclate quand on compare ses vigoureuses et hardies peintures de l’église Sainte-Geneviève aux décorations plus poétiques peut-être et surtout plus architecturales, mais un peu trop sommaires aussi et d’une naïveté trop voulue, de M. Puvis de Chavannes.

Je devrais placer ici le Livre de fortune[2] que publie M. Ludovic Lalanne, s’il n’était, à la vérité, d’un intérêt un peu bien spécial. Il fait partie de cette Bibliothèque internationale de l’art brillamment inaugurée l’an dernier par le livre de M. Eugène Müntz sur les Précurseurs de la renaissance. Nous exprimions alors la crainte, en parcourant la liste des ouvrages que l’on nous promettait, qu’un trop grand nombre d’entre eux ne répondît pas à l’ampleur du titre de la collection. Faut-il avouer aujourd’hui que ni le Livre de fortune ni les Origines de la porcelaine en Europe n’ont donné tout à fait tort à ces prévisions ? Non pas certes, après cela, que la publication de M. Ludovic Lalanne n’ait son genre d’intérêt. Deux cents dessins inédits de Jean Cousin, — c’est-à-dire d’un artiste dont nous ne sommes peut-être pas assez fiers, comme d’ailleurs de la plupart de nos artistes de la renaissance, — assurément sont quelque chose, et même quelque chose que les amateurs apprécieront. Nous nous plaignons seulement qu’il n’y en ait que pour les amateurs, et faisant bon marché, comme profane ou barbare

  1. Troisième Récit des temps mérovingiens, par Augustin Thierry, avec six dessins de M. J.-P. Laurens, 1 vol. in-folio ; Hachette.
  2. Le Livre de fortune, recueil de deux cents dessins inédits de Jean Cousin, publié par M. Ludovic Lalanne, 1 vol. in-4o ; librairie de l’Art.