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que nous sommes, de tel ou tel autre ouvrage de la collection, nous attendons avec impatience les études que nous voyons annoncées sur Claude Lorrain, par exemple, ou sur Ghiberti et son École.

Je reviens aux livres d’étrennes : les livres d’histoire d’abord, et particulièrement le cinquième volume de l’Histoire des Romains de M. Victor Duruy[1]. Je dirais volontiers, s’il ne fallait toujours craindre d’affliger un auteur en laissant paraître une préférence trop décidée pour une partie de son œuvre, que, de toute cette grande histoire, ce cinquième volume est le plus remarquable. Le vaste tableau de la société romaine au IIe siècle de notre ère y est tracé, dans l’ensemble comme dans le détail, avec une sûreté de main, une netteté de contours, une vivacité de relief admirables. C’est que l’ensemble et le détail s’y rapportent à une idée maîtresse, que l’on sent partout présente, et sous l’unité de qui tous les infiniment petits de l’érudition viennent se classer et s’ordonner. Cette idée, c’est qu’il y a comme une double histoire de l’empire, une histoire apparente en quelque sorte, pour ne pas dire convenue, l’histoire telle que les écrivains, les historiens comme Tacite et les satiriques comme Juvénal l’ont faite, l’histoire de la ville impériale et de cour des Césars ; et d’un autre côté l’histoire vraie, l’histoire du monde civilisé, l’histoire de ces soixante-dix ou soixante-quinze millions d’hommes vivant pour la première fois en repos sous la protection de la paix romaine, éprouvant aussi peu dans le fond de leur province les effets de la folie furieuse d’un Caligula que de l’austère sagesse d’un Marc Aurèle, et régis par des lois, des coutumes, des usages administratifs qui nous servent encore, après dix-huit cents ans bientôt, de modèles et de guides. Ainsi réduite à ses traits essentiels, et mutilée plutôt que résumée, l’idée prend une apparence de système qu’il faut nous empresser de dire qu’elle n’a pas dans le livre de M. Duruy. Mais elle en vivifie toutes les parties, et c’est ce qui fait de ce volume une véritable œuvre d’histoire, je veux dire une œuvre d’art qui n’est pas moins à l’honneur du talent que de la science et de la conscience de M. Victor Duruy,

C’est toute une histoire de France « écrite de siècle en siècle par les contemporains » que Mme de Witt s’est proposé de nous donner dans ses Chroniqueurs[2]. L’ouvrage entier formera trois volumes. Le premier commence avec Grégoire de Tours et finit avec Guillaume de Tyr : il s’étend donc des premiers Mérovingiens à la première croisade. Le format, l’exécution typographique, le caractère de l’illustration,

  1. Histoire des Romains, par M. Victor Duruy, t. V, Hadrien, Antonio, Marc Aurèle et la société romaine dans le haut empire, contenant 442 gravures, 3 cartes, 1 plan et 4 chromolithographies, 1 vol. in-8o ; Hachette.
  2. Les Chroniqueurs de l’Histoire de France, texte abrégé, coordonné et traduit par Mme de Witt. Première série. Ouvrage contenant 11 planches en chromolithographie, 47 grandes compositions tirées en noir et 267 gravures, 1 vol. in-8o ; Hachette.