flure que lui font les sabots du cheval. Les réflexions des assistans commencent :
— Toujours amusant, n’est-ce pas ?
— Peuh ! bien monotone. Et puis, qu’est-ce que ça prouve ? Un cheval qui saute bien saute juste ; or, ici, quand il saute juste, il jette tout par terre et on lui marque une faute. C’est un exercice de cirque. Avez-vous chassé, cette année ?
Les hommes, en général, ne s’ennuient pas, même quand ils prétendent le contraire. N’y a-t-il pas là tout ce qu’ils aiment : la liberté du cigare, et puis des chevaux, et puis des femmes, et, par-dessus le marché, des trompes de chasse ? Ces trompes jouent un grand rôle dans la bonne humeur fredonnante de la partie masculine de l’assistance ; elles évoquent des souvenirs cynégétiques, font revivre des épisodes de la dernière saison et promettent des joies nouvelles pour le prochain hiver.
Il y a surtout quelques types de gentilshommes campagnards, plus campagnards que gentilshommes, qui s’épanouissent à vue d’œil. Ceux-là, fumant leurs gros cigares, dont ils soufflent la fumée avec une enflure de joues qui les fait ressembler à des tritons de fontaine, sont tout à fait aises ; ils causent bruyamment, rient bêtement en s’élargissant dans leurs habits trop étroits, racontent avec complaisance des histoires de femmes et des aventures de chevaux (femmes faciles et chevaux rétifs), faisant du tout une salade assaisonnée au crottin et au patchouli.
Circulant autour du manège ou parqués au centre, des officiers de toutes armes, un grand nombre en tenue de cheval, prêts à concourir.
Quant aux vrais élégans, ils sont tous dans les tribunes, parmi les femmes, excepté ceux qui font partie du jury, soit à titre permanent, soit à titre auxiliaire.
Sur les gradins réservés aux sociétaires et chargés à crouler, toutes les élégances féminines du Paris printanier, qu’on pourrait appeler le Paris complet, sont rassemblées, ou plutôt amoncelées.
Dans cette lumière crue que laisse tomber librement le gigantesque vitrage du palais, les nuances gaies des toilettes de printemps, toutes neuves, s’étalent avec leurs chatoiemens radieux qui semblent des sourires d’étoffes, des agaceries que font au regard la soie, le velours, le barège, le satin, — le satin surtout, qui est à la fois de mode et de saison. Heureusement pour les yeux délicats, beaucoup de noir se mêle au scintillement des couleurs, sur cette palette mouvante que le hasard a composée ; beaucoup de gris aussi et de tons neutres, grâce aux costumes complets et aux petits paletots à l’anglaise. Le sombre, au reste, est en faveur, même auprès des femmes d’humeur joviale et de facile accès ; s’habiller sérieusement