La « dévolution » n’était qu’une conséquence rigoureusement déduite de ces prémisses. On devait s’attacher d’autant plus fortement à cette maxime de droit monarchique que le principe même de la monarchie absolue s’était plus profondément enraciné dans le sol français. C’est ce que Gilbert avait expliqué, ce semble, avec toute la netteté désirable : « La personne du roi, disait-il, est tellement consacrée à l’état qu’elle s’identifie en quelque sorte avec l’état lui-même, et, comme tout ce qui appartient à l’état est censé appartenir au roi, tout ce qui appartient au roi est censé appartenir à l’état. » — « Pourquoi y avait-il dévolution en France, répète Berryer dans son immortelle plaidoirie du 23 avril 1852? Parce que tout ce qui appartenait au roi appartenait à l’état, parce que tout ce qui était dans les mains de l’état était au roi et que le roi en disposait librement. » L’exposé des motifs du 9 décembre 1871 répète à son tour : « La réunion au domaine de l’état des biens appartenant au prince au moment de son avènement se comprenait à l’époque où le prince parvenait au trône par droit d’hérédité et où le domaine de l’état était réputé la propriété du souverain et se confondait, par conséquent, avec les biens personnels de celui-ci. » C’est clair, et tout cela s’enchaînait méthodiquement dans le système de monarchie absolue qu’avaient définitivement fondé Richelieu et Louis XIV.
À cette monarchie absolue la constituante entendit substituer, dès 1789, une monarchie contractuelle, dans laquelle le roi devait être réduit à un rôle à peu près passif et privé des attributions les plus essentielles de la puissance exécutive. Qu’allait devenir le droit de dévolution? Nul ne crut alors, à coup sûr, que, dans l’écroulement général des anciennes institutions, celle-ci dût nécessairement survivre à tout par une sorte du vertu propre et de force singulière.
« Droit permanent, disent les décrets de janvier, règle immuable du droit public. » Sophisme étrange ! est-ce qu’il y avait, à ce moment où tout s’abîmait, états généraux, états provinciaux, parlemens clergé, noblesse et où la révolution couchait la royauté capétienne dans ce lit de Procuste avant de l’étouffer dans ses bras sanglans une seule règle du vieux droit monarchique qui s’imposât d’elle-même ? Ce destin favorable était-il, en tout cas, réservé à une maxime d’état que les constituans envisageaient comme « une émanation des lois féodales » et qui reposait sur la conception même de la monarchie illimitée ? On ne l’entendit pas ainsi. « L’abolition du système féodal, dit Enjubault dans son rapport du 13 novembre 1789 obligera l’assemblée nationale de consacrer cette réunion, pour l’avenir, par un décret formel. » Il fallait, en effet, un décret formel. Il fut voté le 9 mai 1790, passa dans la loi plus générale du 22 novembre 1790, et figura définitivement au