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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/121

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qu’un intervalle eût séparé les deux règnes, au vieux cri de : Le roi est mort ! vive le roi ! pourquoi n’aurait-il pas pu suivre l’exemple de son prédécesseur ? Pourquoi, quatre mois après son avènement, n’aurait-il pas pu soumettre aux chambres un projet de loi modifiant le système inauguré en 1825, comme la loi de janvier 1825 avait modifié le système adopté en 1814 ? Aucun obstacle légal ne pouvait l’arrêter.

Mais ce n’est pas dans ces conditions que Louis-Philippe remplaça Charles X. Le chef de la maison de Bourbon avait pris le chemin de l’exil, et le trône était vacant, en fait. Le duc d’Orléans ne l’occupa qu’à la suite d’une révolution. Il ne devint roi des Français qu’après avoir été saisi d’une proposition formelle par les deux chambres, après l’avoir acceptée et s’être lié, devant elles, par un serment. Dès lors, eût-il donné la nue propriété de ses biens après son avènement, comment aurait-il été lié par des lois adaptées à un autre régime politique ? C’est plus encore une question de sens commun qu’une question de droit. Tel était le mécanisme des lois successivement votées sous la restauration que, la succession de Charles X se fût-elle ouverte régulièrement, son successeur n’était pas lié par la dernière de ces lois ; mais il aurait pu l’être ! Charles X, au contraire, aurait-il pu régler ou faire régler d’avance la situation d’un prince qu’il ne devait pas regarder comme son successeur ? Le roi de France et de Navarre, qui régnait par la grâce de Dieu, pouvait-il, d’avance, tracer une règle de droit public domanial à une monarchie qui n’était pas la sienne et qui allait s’établir en vertu d’un simple contrat ? Autant vaudrait se demander si le législateur prévoyait soit en 1813, soit en 1825, la révolution de 1830 et s’il entendait déterminer à l’une ou à l’autre époque les conséquences de cette révolution. « Les principes de l’ancien droit féodal, ont dit MM. Thiers, Dufaure et Pouyer-Quertier dans leur exposé des motifs, pouvaient-ils recevoir leur application alors que la distinction entre le domaine du prince et celui de la nation avait été consacrée par notre droit moderne, et alors surtout que le prince était appelé au trône non en vertu de la loi d’hérédité, mais par le vœu de la nation qui entendait rompre avec le passé et se donner désormais un gouvernement constitutionnel ? » Non sans doute : on n’avait jamais, depuis 1789, considéré le principe de dévolution comme survivant de plein droit à un régime politique, et l’on pouvait d’autant moins raisonner autrement en 1830 que ce principe avait décidément perdu toute raison d’être.

Nous n’avons pas encore cessé de raisonner comme si Louis-Philippe avait été roi des Français le 7 août 1830, et nous croyons avoir établi que, même dans cette hypothèse, il aurait pu légalement, à cette époque, disposer de ses biens patrimoniaux en faveur de ses