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l’usufruit des biens compris dans la donation, ne se dépouillait de rien et voulait seulement assurer à sa famille un patrimoine devenu celui de l’État. » Le jurisconsulte de 1852 paraît ignorer que Louis-Philippe s’est borné à suivre l’exemple de son prédécesseur. Le 9 novembre 1819, Charles X, héritier présomptif de la couronne, avait donné une partie de ses biens au duc de Berry, son second fils, en s’en réservant l’usufruit. Le droit de dévolution était alors expressément rétabli depuis cinq ans, et les ennemis des Bourbons auraient pu reprocher au comte d’Artois d’avoir « éludé la règle fondamentale, » ou commis « une fraude à une loi d’ordre public, » en s’efforçant de soustraire au domaine de l’état, avant son avènement, des biens dont il ne serait pas dépouillé, en fait, après son avènement. Ce reproche ne lui fut pas adressé. « Votre commission, lit-on dans un rapport de M. Thil (12 février 1831), n’a pas hésité à admettre que la donation de 1819 avait valablement investi le feu duc de Berry et ses enfans à sa représentation de cette nue propriété dont le domaine utile leur appartiendra après la mort du donateur... La confiscation est abolie, et ce salutaire principe repousse toute exception. » Ainsi fut voté, sans débat dans l’une ou l’autre chambre, l’article 3 de la loi du 8 avril 1834, ainsi conçu : « L’usufruit réservé par Charles X dans la donation authentique du 9 novembre 1819, par lui consentie à son fils le feu duc de Berry, ne fait point partie du domaine de l’État; en conséquence, l’administration des domaines comptera à qui de droit des revenus perçus par elle. » Il n’y avait pas autre chose à faire; mais la question était encore plus simple le 7 août 1830, Louis-Philippe pouvant être accusé tout au plus d’avoir pris une précaution superflue, comme le dit Dupin aîné à la chambre des députés le 13 janvier 1832, mais non d’avoir commis une fraude à une prétendue loi qui n’existait plus et qui, dans tous les cas, n’était pas applicable au duc d’Orléans.

Le projet de loi sur la liste civile de Louis-Philippe avait été déposé le 4 octobre 1831 et fut voté par la chambre des députés le 14 janvier, par la chambre des pairs le 29 février 1832. La commission de la chambre des députés y avait introduit le principe de la dévolution, mais pour l’avenir, en exceptant formellement non-seulement les biens dont Louis-Philippe avait aliéné la nue propriété, mais encore ceux dont il ne s’était pas dessaisi avant son avènement. C’est le député Salverte, un des chefs les plus opiniâtres de l’opposition, qui s’éleva contre cette partie du projet et fit prévaloir d’autres maximes. « Aujourd’hui, dit il, le domaine de l’état se trouvant parfaitement séparé de la dotation de la couronne et du domaine privé, le roi peut désirer de conserver son domaine privé, de le transmettre à ses héritiers, et, dès lors, il est