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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/140

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renversement par les aventuriers de la famille Branivoj. Cela dura plus d’un siècle, jusqu’au moment où Paul, ban de Bosnie, en 1302, et ses deux successeurs Stéphan IV et Twartko, commencèrent ou complétèrent la conquête de tout le pays de Chelm, nom que l’on donnait alors à l’Herzégovine.

Pendant ce temps, les Hongrois, qui dominaient plus ou moins directement sur toutes les contrées du littoral slave jusqu’à la Narenta, avaient aussi une influence prépondérante sur tous les petits princes à l’intérieur du pays, et c’est à l’intervention de son beau-frère Louis, roi de Hongrie, qui espérait s’en faire un boulevard contre les Turcs de plus en plus menaçans, que Twartko dut d’être proclamé en 1376, roi de Bosnie, de Rascie et de Primorie.

Mais l’espérance de Louis fut trompée. En effet, Twartko Ier et son fils Twartko Il luttèrent pendant tout leur règne contre les Magyars, et ils ne craignirent même pas de s’allier aux musulmans pour satisfaire leurs vues ambitieuses d’agrandissement.

C’est ici que se place l’événement capital de cette époque de l’histoire des Slaves, événement dont les conséquences fatales pèsent encore sur l’Europe tout entière. Je veux parler de la bataille de Kossovo.

Mourad Ier était alors calife des Ottomans; il s’était emparé de la Thrace et de la Thessalie et avait transporté le siège de son empire A Andrinople, ne laissant provisoirement et parce qu’il manquait de vaisseaux, que Constantinople et sa banlieue aux faibles successeurs des empereurs byzantins; il faisait de fréquentes incursions en Macédoine et en Albanie, et devant cette puissance menaçante, les Valaques, les Hongrois et les Slaves, oubliant leur rivalité, unirent leurs forces pour résister au danger commun. Lazare, prince de Serbie, qui avait réuni sous son étendard tous les Slaves de la rive méridionale du Danube, fut choisi comme chef de cette confédération défensive dans laquelle dominaient ceux de sa race.


Celui qui est Serbe et de père serbe,
Qui est de sang et de famille serbe,
S’il ne vient pas combattre à Kossovo,
Que, sous sa main, il ne lui pousse rien !
Que le froment ne pousse dans son champ!
Sur la colline que sa vigne ne pousse!


C’est ainsi qu’une piesma populaire[1] chante l’appel que Lazare adressa aux Slaves avant de quitter sa capitale, Kroutcheva, où il avait reçu la provocation du sultan. Malgré cet appel, l’armée des Turcs, suivant une tradition, — du reste, absolument contraire à

  1. Traduite par Cyrille, Voyage tmtmental aux pays slaves, p. 88.