construction de nombreuses cures et des deux nouveaux monastères cités plus haut.
Cependant, et malgré le haut patronage de la monarchie des Habsbourg, les catholiques bosniaques et herzégoviniens étaient soumis à toutes sortes de vexations; ainsi, ils ne pouvaient passer par certains chemins traversant des villages habités par des musulmans sans s’exposer à des coups de fusil ou à la bastonnade; ils devaient porter le turban rouge, le turban blanc étant réservé aux hodjas et la couleur verte aux autres mahométans. Il leur était également interdit de porter la barbe, parce que le Coran ordonne que le père de famille ou le pèlerin laisse pousser la sienne. Bref, je n’en finirais pas si je voulais décrire tous les genres d’arbitraire auxquels étaient exposés les malheureux chrétiens catholiques ou grecs avant l’arrivée en Bosnie des troupes austro-hongroises. Est-ce à dire qu’il règne aujourd’hui parmi eux une satisfaction parfaite? Non, certes, j’en ai déjà parlé et j’aurai occasion d’y revenir.
Pour terminer ce que j’ai à dire des différentes religions qui se rencontrent en Bosnie et en Herzégovine à côté du mahométisme, il me reste à parler des Israélites. Les juifs des deux provinces sont, comme on le sait, des descendans de ceux qui furent chassés de l’Espagne et du Portugal au commencement du XVIe siècle, et qui vinrent chercher chez les musulmans d’Afrique et de Turquie un refuge contre les persécutions de l’inquisition. La petite colonie de Bosnie est surtout installée à Serajewo et à Trawnik, où l’on en comptait, en 1862, plus d’un millier et autant dans le reste de la province; il y en a moins en Herzégovine. Ces israélites sont en grande majorité blonds, tous portent la barbe ; rien, du reste, dans leur costume, ne les distingue des indigènes du pays. On m’a cependant cité comme une particularité que les juives de Trawnik ont toutes trois jupes superposées : la première, celle de dessous, jaune; la seconde, bleue, et la troisième, celle de dessus, blanche. Un fait beaucoup plus intéressant à noter, c’est que les juifs de Bosnie parlent encore entre eux un espagnol corrompu. Aucun, pas même les rabbins, ne sait écrire l’espagnol en caractères latins; ils se servent, pour cette transcription, de lettres hébraïques, dont la lecture est enseignée dans leurs écoles particulières. Le grand-rabbin réside à Trawnik. Ce grand-rabbin, ainsi que les évêques latins et grecs, jouit du privilège de juger toutes les causes qui peuvent surgir entre ses coreligionnaires en matière d’état civil. Ces causes sont décidées en première instance par les curés, les popes et les rabbins. Bien qu’on puisse en appeler du jugement des évêque; ou du grand-rabbin devant la justice ottomane, il est très rare que ce adroit soit exercé.