que ses patientes études sur le terrain lui avaient fournies relativement à l’origine des roches. Ce sujet donnait lieu à de vives controverses entre les géologues ; il se fit juge de la discussion, signalant les produits formés par fusion à la manière des laves, indiquant les roches dans la genèse desquelles l’eau et la pression étaient intervenues, déclarant qu’un certain nombre de minéraux avaient été engendrés par une réaction mutuelle de vapeurs à haute température. La grande autorité de l’illustre professeur, la netteté des preuves dont il appuyait son argumentation firent une profonde impression dans le monde savant. Les conséquences expérimentales ne se firent pas attendre. Ebelmen, que des travaux remarquables de chimie avaient fait appeler à la direction de la manufacture de porcelaine de Sèvres, mit à profit sa situation privilégiée pour entreprendre une série d’ingénieuses expériences.
On sait que la plupart des matières solubles dans un liquide cristallisent facilement quand on évapore doucement le véhicule qui les tient en dissolution ; c’est ainsi, par exemple, que l’eau abandonne à l’état de cristaux presque tous les sels qu’elle peut dissoudre. On pouvait donc penser que l’on obtiendrait à l’état cristallisé les oxydes des roches naturelles si l’on disposait d’un dissolvant de ces corps susceptible d’être chassé par volatilisation. Ebelmen sut trouver le réactif en question. Parmi les substances qu’emploient journellement les fabricans de porcelaines et d’émaux, il en est une, l’acide borique, qui remplit les conditions cherchées. Cet acide est un corps solide qui fond à la température du rouge sombre et possède alors la propriété de dissoudre les oxydes : en outre, à une température plus élevée, il peut être entièrement réduit en vapeurs. Partant de la connaissance de ces faits, Ebelmen introduisit dans les fours de Sèvres des capsules de platine dans lesquelles il avait placé une certaine quantité d’acide borique mélangée aux élémens chimiques des corps qu’il voulait faire cristalliser. La fusion du mélange était aisée ; la volatilisation de l’acide borique présentait plus de difficultés. Le chauffage au rouge blanc était maintenu sans interruption pendant plusieurs jours et plusieurs nuits ; l’acide borique s’évaporait avec une extrême lenteur ; puis, l’opération terminée, chaque vase de platine se montrait revêtu d’une riche parure de cristaux. Des émeraudes, des spinelles, des rubis, des saphirs, du rutile, des silicates divers possédant la dureté, l’éclat, les nuances des minéraux naturels, furent ainsi obtenus. Dans la détermination des formes cristallographiques, de même que dans l’étude des propriétés optiques de ces produits, Ebelmen fit preuve, comme minéralogiste observateur, d’une habileté égale à celle qu’il avait déployée dans la marche de son expérimentation.