Parmi les produits qui furent étudiés de la sorte, ceux qui se rattachent à la famille des spinelles méritent une mention particulière. La nature ne les présente jamais à l’état de pureté ; doués d’une même forme cristallographique, constitués d’après la même formule atomique, ils passent les uns aux autres par degrés insensibles, échangeant en toutes proportions leurs élémens chimiques, de telle sorte que, dans les roches, on ne trouve jamais que des composés intermédiaires entre les types divers dont la théorie admet l’existence. Non-seulement Ebelmen réalisa ces types rigoureusement purs et nettement individualisés, mais, conservant pour ainsi dire le même moule, il sut en produire d’autres qui ne figuraient pas dans la série connue. Cette fois, la nature était dépassée dans son œuvre ; une famille minéralogique qu’elle avait laissée inachevée se trouvait complétée par l’adjonction de nouveaux membres.
Les résultats de ces travaux furent accueillis du monde scientifique avec la faveur qu’ils méritaient ; des récompenses de tout genre furent décernées au jeune savant ; l’avenir semblait lui sourire, cependant un échec cruel l’attendait. Une place étant devenue vacante à l’Académie dans la section de minéralogie, un compétiteur dont nous allons avoir également à célébrer les mérites, de Sénarmont, lui fut préféré. Ce fut un coup terrible pour lui ; quelques mois après, il était rapidement enlevé par une mort imprévue. Le deuil fut général dans le monde savant ; chacun sentait la perte irréparable que l’on venait de faire ; aujourd’hui encore, après trente ans écoulés, ceux qui ont connu Ebelmen parlent de lui avec une sympathique émotion.
Sénarmont lui a survécu seulement quelques années, mais, dans sa trop courte carrière, il a eu le temps de mettre à profit les heureuses qualités dont il était doué et d’acquérir la haute influence à laquelle il avait droit par sa vaste et puissante intelligence. Mathématicien, physicien, minéralogiste, géologue, chimiste, il a su faire progresser toutes les sciences dont il s’est occupé, s’appuyant sur chacune d’elles pour faire avancer les autres. Les calculs les plus compliqués n’étaient qu’un jeu pour lui ; les hautes conceptions de la physique se présentaient en pleine lumière à son esprit ; la minéralogie le charmait ; les grandes questions géologiques le passionnaient ; enfin il appréciait pleinement l’utilité pratique de la chimie comme guide et comme moyen de contrôle dans les expériences. Néanmoins il n’était pas ne expérimentateur ; chaque fois qu’il entreprenait une de ces délicates manipulations dont les résultats l’ont illustré, il éprouvait, disait-il, une sorte de frissonnement ; mais il savait surmonter ces appréhensions, certain qu’il était d’avance du succès de son travail. Les expériences synthétiques qu’il a entreprises