Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

900 degrés, elle se transformait en tridymite ; de 900 à 800 degrés, elle se convertissait en un quartz à pointemens aigus, qui diffère de celui de la nature par ses formes allongées ; à 750 degrés, les cristaux engendrés ne pouvaient plus être distingués de ceux qui se produisent par voie humide. Enfin, poussant encore plus loin le succès de son expérimentation, l’habile opérateur fit sortir du même bain de matière fondue, à la fois, de l’orthose et du quartz.

Sainte-Claire Deville avait une sorte de prédilection pour les expériences qui réclament l’emploi de températures élevées, ce qui explique la faveur avec laquelle il recherchait les procédés synthétiques fondés sur la voie sèche et le caractère qu’affectent les principaux travaux de ses disciples ; néanmoins ses tendances n’étaient pas exclusives. Il s’est aussi servi des méthodes qui ont pour base la voie humide.

Les cristallisations obtenues par Sénarmont au moyen d’un chauffage en vase clos en présence de l’eau n’avaient été expliquées qu’imparfaitement par leur auteur. Le savant minéralogiste admettait que les substances enfermées dans ses tubes devenaient, à la température de 300 à 400 degrés, solubles dans la petite quantité d’eau à laquelle elles étaient mélangées et qu’elles cristallisaient par refroidissement, à la façon des solutions saturées à chaud sous la pression ordinaire. On lui objectait que la longue durée du chauffage, nécessaire au succès de l’expérience, n’était nullement justifiée par son hypothèse, et surtout on faisait valoir cet argument irréfutable que la quantité d’eau contenue dans les tubes était en tous cas certainement insuffisante pour dissoudre la matière qui s’y transformait en cristaux. Je me rappelle avoir assisté, dans le laboratoire de l’École normale, à une intéressante discussion sur ce sujet entre Sénarmont et Sainte-Claire Deville. L’illustre directeur de l’École des mines exposait sa théorie avec une clarté magistrale; il en faisait valoir la simplicité et l’application facile; sa parole éloquente semblait donner plus d’autorité encore aux raisons qu’il alléguait; mais son interlocuteur connaissait tous les points faibles de la défense; chaque brèche de la théorie était mise à découvert et attaquée. Le débat s’animait encore des réflexions de l’auditoire. En dernier lieu, Sénarmont trancha lui-même le procès en reconnaissant franchement que son explication était imparfaite et qu’il fallait en chercher une meilleure.

Plusieurs années s’écoulèrent ensuite sans que le problème trouvât une solution satisfaisante. Enfin Sainte-Claire Deville, ayant découvert le rôle joué par les minéralisateurs dans les reproductions artificielles par voie sèche, pensa qu’ils devaient aussi avoir été mis en jeu dans les synthèses opérées en présence de l’eau. On