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n’y reconnaît encore aucun indice de cristallisation, mais on peut le tailler en lamelles minces d’un centième de millimètre d’épaisseur, et alors, en l’observant au microscope, on le trouve composé de prismes allongés, enchevêtrés dans tous les sens, qui possèdent la forme et les propriétés optiques des feldspaths naturels.

Outre les feldspaths connus, ces expériences ont eu pour résultat d’amener la reproduction artificielle d’une série d’autres corps de la même famille contenant de la baryte, de la strontiane ou de l’oxyde de plomb à la place de la chaux qui y figure normalement. Ainsi s’est complété un groupe de minéraux dont la nature n’avait fourni que certains types spéciaux. Enfin, la même méthode a fourni plusieurs autres silicates cristallisés, et, parmi ceux-ci, quelques-uns de ceux qui sont les plus fréquens dans les roches éruptives.

Dans les pages qui précèdent on a vu combien sont variés les procédés qui, tour à tour, ont été mis en pratique pour faire naître des cristallisations minérales. La voie sèche, avec ou sans addition d’un fondant, l’intervention de substances volatiles, la voie humide à diverses températures, avec ou sans pression, ont été employées avec succès. On doutait jadis de la possibilité de reconstituer de toutes pièces les minéraux naturels ; actuellement, on est plutôt embarrassé par la multiplicité des moyens qui permettent d’atteindre ce but. En très petit nombre de corps, parmi les composés cristallisés qui se rencontrent dans les roches ou les filons, ont résisté aux tentatives faites pour les reconstituer synthétiquement; et, quant à ceux dont la reproduction a été obtenue, il en est peu que l’on n’ait pas réussi à faire cristalliser par des procédés divers. Il en résulte, pour le géologue, la nécessité de faire un choix parmi les données que procurent les recherches expérimentales; tel procédé de synthèse doit être immédiatement écarté comme étant incompatible avec les moyens dont dispose la nature; tel autre, dont l’application naturelle est possible, doit être sévèrement discuté et comparé avec les faits constatés par l’observation ; tel autre encore peut être accepté tout de suite comme entièrement conforme dans son mode opératoire aux conclusions des études faites sur le terrain. En dernier lieu, la géologie a donc le devoir d’exercer un contrôle rigoureux sur les résultats de la synthèse minéralogique; elle doit exiger que les données générales recueillies par elle a priori sur toutes les particularités de structure, de gisement, d’association ou d’exclusion mutuelles des espèces minérales soient satisfaites. Elle impose cette condition, déjà signalée jadis par Sénarmont, que toutes les circonstances où l’opération naturelle a laissé des traces caractéristiques, découvertes par ceux qui ont observé, se retrouvent dans l’œuvre artificielle de ceux qui expérimentent. La comparaison