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et dernier venu de la politique républicaine, la position était certes moins facile que pour tous les autres, puisqu’il héritait des fautes, des complications accumulées par les deux cabinets auxquels il succédait. C’est là peut-être ce qui a fait sa force depuis six mois et ce qui l’a soutenu jusqu’au bout de cette session qui finit avec l’année. Il a profité depuis sa naissance de l’impossibilité de toutes les autres combinaisons, de la fatigue qui est dans le pays, des incertitudes du parlement lui-même. Son rôle après tout était de vivre sans rien compromettre, de maintenir la paix publique dans le pays, de sauvegarder autant que possible la dignité de la France dans les conditions qui avaient été créées, et plus d’une fois le nouveau président du conseil, ministre des affaires étrangères, M. Duclerc, a expliqué comment il entendait la mission qu’il avait reçue. M. le président du conseil n’a pas caché qu’il y avait des points intéressant l’ordre intérieur aussi bien que la considération extérieure de la France, sur lesquels il se refuserait à des concessions dangereuses, — et par quelques-uns de ses actes, notamment par la menace de sa démission le jour où on avait l’air de vouloir supprimer l’ambassade française auprès du saint-siège, il a bien montré qu’il parlait sérieusement. La bonne volonté n’est pas douteuse. Que malgré les intentions de son chef, le ministère ait encore bien des faiblesses et de compromettantes partialités, qu’il flatte des passions toujours difficiles à satisfaire, qu’il soit parfois, lui aussi, impuissant ou complice, ce n’est que trop évident. Oui, le ministère se montre le plus souvent timide dans ses résistances, empressé à désarmer certaines hostilités, très prompt à subir certaines influences; mais ici on se trouve en face d’une question plus générale, bien autrement grave, qui presse et domine le gouvernement comme le parlement. Le fait est qu’à la suite d’entraînemens qui datent déjà de plusieurs années, qui ont été loin de se ralentir en 1882 et dont le ministère d’aujourd’hui n’est pas seul responsable, la politique dite républicaine a pris un tel caractère, qu’elle a fini par créer cette situation violente et amoindrie où l’on se débat aujourd’hui, d’où l’on ne sait plus comment sortir. Elle est devenue une œuvre réellement originale, facile à reconnaître à ces deux traits essentiels : l’esprit de parti, de secte avec tous ses emportemens et la médiocrité avec ses turbulences aussi vulgaires que stériles.

On aurait beau s’en défendre, ce malfaisant esprit de secte se manifeste partout et à tout propos. Il est l’inspiration de cette politique prétendue républicaine qu’on s’efforce de faire prévaloir par tous les moyens. Sur bien d’autres points on peut se diviser dans le parti, — sur ce seul point on se retrouve toujours d’accord, et il y avait même dernièrement des députés qui, pour reconstituer la majorité républicaine, n’avaient imaginé rien de mieux que de ramener au combat les passions