les 1,400 millions dont on nous parle. Il n’y a point à examiner pour le moment si ce n’est pas là une dépense un peu exagérée, ni même s’il n’y a pas quelque emphase dans le tableau que M. Jules Ferry s’est plu à tracer de ces écoles nouvelles qui doivent devenir les palais, les monumens ou peut-être les églises de la « démocratie rurale. » Il ne s’agit pas de cela; mais, dans la loi nouvelle, à côté du crédit que personne n’a contesté, il y a une série de dispositions aussi exorbitantes qu’imprévues. Jusqu’ici, en matière de dépenses locales, les conseils-généraux avaient à émettre un avis obligatoire; les communes seules, sauf certains cas déterminés, pouvaient disposer de leurs ressources et surtout décréter des emprunts. Maintenant tout est changé pour les écoles; d’après la loi nouvelle, les conseils-généraux seront à peine consultés pour la forme, et les préfets pourront, de leur propre autorité, imposer extraordinairement les communes ou décréter discrétionnairement des emprunts. En d’autres termes, départemens et communes sont d’un seul coup dépossédés d’un des droits les plus anciens et les plus essentiels, celui de voter leurs dépenses et leurs emprunts. Et sous quelle forme cette nouveauté se produit-elle? Sous la forme d’un article sommaire d’une loi de finances. Vainement M. de Marcère s’est efforcé de montrer combien il était étrange et dangereux de tout confondre, de toucher, à propos du budget, aux lois organiques des départemens et des communes, de substituer aux prérogatives locales l’autorité discrétionnaire des préfets. Vainement aussi, un ancien ministre de l’intérieur, M. René Goblet, a défendu les libertés municipales et a demandé tout au moins que les emprunts imposés aux communes pour la construction de leurs écoles ne pussent être décrétés que par une loi. Tout a été inutile. On s’est moqué des scrupules de M. de Marcère et de la compétence législative invoquée par M. Goblet, aussi bien que des discours par lesquels de simples députés conservateurs ont défendu les droits de leurs départemens et de leurs municipalités. On a voté une diminution de liberté au pas de charge, comme s’il s’agissait de supprimer le crédit d’un traitement d’aumônier !
Pourquoi donc mettre cette impatience fébrile à voter une œuvre de confusion et d’arbitraire? Pourquoi ne pas même attendre cette loi nouvelle d’organisation municipale sur laquelle M. de Marcère vient justement de présenter un rapport avant la fin de la session ? Ah ! sans doute, il y a un motif, le grand motif qui absout tous les emportemens; il y a ce qu’on croit être l’intérêt républicain, — il y a la raison d’état dont M. Clemenceau a plaidé l’autre jour la cause avec une passion véhémente et acérée. Avec la raison d’état, on peut tout se permettre; on a le droit, puisqu’on a le pouvoir, de poursuivre l’instruction religieuse jusque dans son dernier asile, de contraindre les