de la vie publique. L’esprit d’arbitraire et de confusion fait vraiment de rapides progrès et s’introduit maintenant partout en maître. On dispose capricieusement des finances, et un ancien ministre de l’instruction publique peut se montrer tout glorieux en disant lestement qu’il a dépensé en une année ce qui ne devait être dépensé qu’en six ans. On interprète sans façon les lois et au besoin on les suspend. On mêle dans une œuvre parlementaire les dispositions les plus disparates, et à propos du budget on modifie toute une législation, on met en interdit les garanties communales et départementales jusqu’ici inviolables. On fait tout cela légèrement, étourdiment. Pourvu qu’on puisse dire qu’il y a un intérêt républicain en jeu, cela suffit : c’est la règle souveraine, et c’est vraiment une chose curieuse de voir avec quelle facilité les habitudes discrétionnaires renaissent toutes sous toutes les formes. Un préfet est appelé devant une cour de justice pour rendre témoignage de faits accomplis dans un département qu’il a administré; il raconte ses relations avec une compagnie industrielle, la compagnie de Monceau-les-Mines, et au courant de son récit il ajoute comme la chose la plus simple du monde que, dans une circonstance il a menacé le directeur de suspendre l’expédition de toutes les affaires de la compagnie dans les bureaux de la préfecture s’il ne lui était donné satisfaction sur une question toute spéciale qui ne motivait d’ailleurs en aucune façon une intervention publique : il s’agissait des rapports de la compagnie avec ses ouvriers. Ainsi un administrateur de département qui a certainement tous les moyens réguliers de faire prévaloir son autorité dans la mesure légitime et dans les questions où il a un droit d’intervention, trouve tout simple de dire à un directeur de compagnie : Voici un fait qui à la vérité ne me regarde pas, mais vous ferez ce que je voudrai, ou toutes vos affaires seront arrêtées. — Il paraît que cela est naturel, puisque le préfet déclare hautement qu’il l’a fait sans hésitation, et c’est au moins la preuve que les préfets de la république ne regardent pas trop à leurs droits, qu’ils savent se servir de l’intimidation ou de la coercition discrétionnaire, — bien entendu contre ceux qu’ils sont portés à considérer comme des adversaires. Ils ont gardé les habitudes du gouvernement personnel.
Un des spécimens les plus récens et les plus bizarres des déguisemens que peut prendre aujourd’hui l’esprit d’arbitraire et de confusion, c’est certainement ce qui vient de se passer en pleine chambre à l’occasion d’une loi semi-financière, semi-politique, sur laquelle la commission du budget a eu à faire un rapport. Le ministère de l’instruction publique a demandé un crédit de 120 millions en faveur de cette caisse des écoles qui a été instituée pour subvenir à la construction des lycées et des maisons scolaires de villages. 120 millions, ce n’est là qu’un crédit partiel en attendant les 700 millions ou peut-être