furent soumis à l’examen des prêtres orthodoxes; les écrits sur la médecine à des médecins officiels. On n’écrivait point sur la politique; la science fut étouffée. La répression s’étendit aux universités. Pour en dissimuler le caractère, pour tromper l’impatience qu’en devaient ressentir les esprits, on lui donna la couleur d’une réaction nationale, d’une réaction allemande contre la France. Ici encore on prit le contrepied de la politique de Frédéric.
Ce prince, qui avait été un ennemi si dangereux et un ami si peu sûr du gouvernement français, admirait le génie de la France; il était entouré de Français. S’il se servit d’eux, s’il les employa à ses desseins et exploita leur influence contre la politique de leur patrie, ce résultat est dû en grande partie au déplorable gouvernement de Louis XV. Des ministres intelligens, au lieu d’abandonner à la Prusse ce puissant auxiliaire, l’auraient retourné contre elle. C’est ce que fit en 1795 la diplomatie de la révolution; elle trouva dans les liaisons qui s’étaient formées du temps de Frédéric un levier très efficace lorsqu’il s’agit de séparer la Prusse de la coalition.
Le parti qui arrivait au pouvoir avec Frédéric-Guillaume II était non-seulement en politique un adversaire déclaré de la France, c’était un ennemi passionné de l’esprit et des idées françaises. Il en avait subi avec colère la suprématie. Sous Frédéric, les Français dominaient à la cour, aux académies, au théâtre. Le roi n’admettait point qu’un homme de bon ton parlât une autre langue que la française. Les diplomates étaient tenus de s’en servir. Kaunitz, adressant une instruction au ministre d’Autriche à Berlin, lui écrivait : « J’ai jugé devoir la coucher en français parce que c’est dans cette langue qu’il est d’usage de parler au roi de Prusse. » Les Français venaient étudier à Berlin le gouvernement et l’art de la guerre. Un publiciste, un politique, un militaire qui voulaient faire carrière et jeter quelque éclat dans le monde se croyaient obligés d’avoir passé par Berlin. Les officiers surtout y affluaient. Lauzun, le futur général Biron, y était venu, les deux Custine s’y rencontrèrent avec Mirabeau en 1786. Ces voyageurs étaient si nombreux que le ministre de France s’en plaignait. On lui annonçait l’arrivée d’un second Mirabeau, le Mirabeau-Tonneau de l’émigration, qui voyageait alors en Allemagne. « C’est bien assez du premier, écrivait-il. Permettez-moi de vous observer à cette occasion que la plupart des Français qui viennent ici y font un mauvais effet pour la dignité et la considération de la nation. Les uns, saisis d’un enthousiasme ridicule, élèvent la Prusse au-dessus de tout et déprécient sur tous les points le gouvernement et l’état militaire de la France. D’autres embrassent l’opinion contraire avec tant de chaleur qu’ils disent des invectives aux Prussiens, telles que des caractères moins flegmatiques