toute connaissance serait impossible. » Cette unité, on l’entend comme une simplicité absolue, excluant toute composition, toute combinaison de parties. L’unité indivisible du moi, qui est la condition générale de son existence et de la conscience qu’il a de lui-même, se montre particulièrement dans les attributs les plus élevés du moi : la liberté et la raison. La liberté ne peut appartenir qu’à une force simple, car une force composée est nécessairement déterminée par sa composition même. La raison implique également la simplicité, car une de ses principales fonctions, comme M. Magy l’a très fortement établi, est d’introduire l’unité et l’harmonie dans la complexité et la confusion de nos connaissances.
Nous acceptons pleinement cette théorie de la simplicité du moi ; nous trouvons même qu’elle est surabondante. Ce n’est pas seulement le moi, c’est tout être quelconque, qui se conçoit naturellement sous la condition de l’unité. La vie, à son plus bas degré, réclame cette condition. Ceux qui se refusent à reconnaître, dans le végétal ou dans l’animal, un principe unique et indivisible de vie, font du végétal ou de l’animal un assemblage de cellules ou d’élémens anatomiques, doués chacun d’une vie propre; en un mot, ils transportent la vie là où ils trouvent ou croient trouver l’unité. Dans la matière inorganique elle-même, ce que nous appelons un corps n’est pas un être, mais plusieurs êtres ; nous le décomposons par la pensée en atomes, en monades ou en forces simples : là seulement où s’arrête toute possibilité de division, nous reconnaissons l’individualité naturelle et distincte de l’être. Et ces élémens indivisibles, auxquels nous ramenons toute réalité, nous les considérons également comme indestructibles. La mort, dans la nature, n’est que dissolution ou changement d’état. Il est impossible de la concevoir pour des élémens indivisibles et toujours identiques par l’effet même de leur indivisibilité, La spiritualité et l’immortalité de l’âme, si elles se réduisaient à une unité indivisible et indestructible, ne s’élèveraient donc en rien au-dessus des conditions du dernier degré de l’être. Est-ce là ce que nous entendons par ce double privilège que nous attribuons à la personne humaine? Hegel a raison : l’être pur, dans sa simplicité nue, est tout près du néant. L’évolution des êtres y introduit une complexité, une richesse croissante d’attributs et de phénomènes de toute sorte. Quand nous nous représentons la dignité et l’excellence de la nature humaine, ce n’est pas dans la simplicité nue de son être que nous en trouvons les marques, c’est au contraire dans le développement le plus complet et le plus varié de la sensibilité, de la raison et de la liberté. Le plus bel éloge que l’on fera d’un homme de génie, d’un Shakspeare, par exemple, c’est de reconnaître en lui, non une seule âme, mais plusieurs âmes. Il ne faut pas sans doute, même dans la personnalité