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la goutte et autres maux qu’il écrivit ses Traités de la statuaire et de l’orfèvrerie, qui parurent en 1568. Pour ses Mémoires, on sait qu’ils étaient terminés en 1562, et il semble peu probable qu’il ait jamais projeté de les publier de son vivant.

Le testament de Cellini est daté du 18 décembre 1570. Quelques phrases où l’on retrouve l’originalité de style et de pensée des Mémoires sont curieuses à citer : « Comme dans cette vie il n’y a rien de plus certain que la mort, que rien n’est plus incertain que son heure et qu’il appartient au sage de scruter attentivement le temps où elle doit venir ; voilà pourquoi l’homme célèbre Benvenuto, fils de maître Giovanni des Cellini... » « .. Et d’abord, l’âme étant considérée comme plus noble que le corps et l’étant en effet, dès maintenant et lorsqu’elle sera contrainte de quitter le corps, il la recommande au Dieu tout-puissant, à Jésus-Christ notre rédempteur et à Marie la Vierge reine. » Benvenuto Cellini mourut d’une pleurésie, le 13 ou le 14 février 1571. Il fut inhumé dans la sépulture de l’Académie du dessin, au couvent des Servi della Nunziata. L’académie se rendit en corps à la maison mortuaire, ainsi que la communauté. Quatre académiciens portèrent le cercueil jusqu’au couvent où la cérémonie religieuse fut célébrée avec grande pompe. On sait qu’un moine prononça l’oraison funèbre; mais quelle épitaphe eut l’homme qui avait gravé sur le socle de son Persée cette inscription menaçante : Te, fili, si quis lœserit, ultor ero ?


II.

On répète volontiers que, par ses merveilleuses qualités comme par ses abominables défauts, Benvenuto Cellini représente et personnifie les artistes de la renaissance italienne[1]. C’est pousser loin l’esprit de synthèse et les procédés de simplification. Cellini, certes, ne fut pas une exception dans ce XVIe siècle, qui vit des papes débauchés et sanguinaires, des cardinaux empoisonneurs et des bandits lettrés protecteurs des arts. Toutefois, même à cette époque où domina la violence, Cellini fut un être à part parmi les artistes. Comparez-le avec les peintres et les sculpteurs de son temps. Trouvez-vous chez eux cette irritabilité farouche, ces flux de colère, cette promptitude à frapper du poing et de l’épée? Raphaël eut dans sa vie la grâce suave de son génie. Chez Léonard, on aime la noblesse de caractère, l’aménité, le désintéressement. En mourant,

  1. L. Leclanché, Préface aux Mémoires de Cellini; H. Taine, Philosophie d« l’art en Italie ; Paul de Saint-Victor, Hommes et Dieux.