n’est rien, il lui faut un miracle. Il a une vision dans son cachot. « Qu’on sache, dit-il, qu’après cette apparition il m’est resté sur la tête une lueur miraculeuse qui a été parfaitement vue par quelques amis à qui je l’ai montrée. On l’aperçoit le matin pendant deux heures à compter du lever du soleil, et le soir au crépuscule. » Statuaire supérieur aux anciens, médailleur hors de pair, orfèvre sans rival, Cellini a bien d’autres gloires encore. Il joue du cornet de façon à faire dire à Clément VII « qu’il n’a jamais entendu de musique plus suave et plus harmonieuse; » il devance Cormontaigne dans l’art des fortifications ; il est un foudre de guerre. A l’entendre, c’est lui qui a défendu à lui tout seul le château Saint-Ange contre les Impériaux. Dans ce siège, il se multiplie : arquebusier, il tue le connétable de Bourbon; canonnier, il coupe en deux un colonel espagnol, il blesse grièvement le prince d’Orange et il fait tant de mal à l’ennemi « que les troupes assiégeantes essayèrent à diverses reprises de se mutiner. » Que Benvenuto Cellini ait été le merveilleux artiste et le vaillant soldat qu’il dit, ce n’est pas la question, car la vie de Raphael, la vie de Bayard, ces deux gloires pures de l’art et de la guerre, racontées par eux-mêmes et sur ce ton, seraient insupportables.
Les violences de la colère l’emportent encore chez Cellini sur les bouffissures de l’orgueil. On peut prendre en pitié son outrecuidance et sa vanité, on s’indigne aux crimes et aux méfaits que lui font commettre ses accès de fureur. Cette existence de soixante-dix ans se passe dans les querelles, les rixes, les ressentimens farouches et les sauvages vengeances. Le bienvenu est né enragé. A seize ans, il en est à sa deuxième rixe; dans une discussion, il donne un si furieux coup de poing sur la tempe de son interlocuteur qu’il l’étend sans connaissance. Condamné à l’amende, il demande à un de ses parens éloignés de se porter caution pour lui. Sur son refus, Cellini court chez lui, frappe son fils d’un poignard et menace de tuer toute la famille réunie autour de la table. On se jette à genoux, et Cellini consent à rengainer sa dague. Pendant son premier séjour à Rome, il faut renoncer à dénombrer les soufflets, les coups de poing et les coups de poignard qu’il donne : affaires d’amour, rivalités de métier, simples querelles de camarades. Ce ne sont encore que peccadilles. A son second séjour, les choses empirent. Le frère de Cellini tombe dans une rixe, frappé d’une balle d’arquebuse; Benvenuto croit devoir le venger en assassinant traîtreusement celui qui l’a tué à son corps défendant. Dans une discussion avec un ami nommé Benedetti, le Florentin lui jette à la tête une motte de terre qui l’étend comme mort. « Il y avait, dit ingénument Cellini, un caillou anguleux dans cette motte de terre. » Pompeo, joaillier du pape, l’a desservi auprès du pontife ; il le guette, fond sur lui la dague à la main