n’est que juste, en effet, d’observer que ce livre n’est qu’un commencement. Le prédécesseur de M. Deschanel dans la chaire du Collège de France avait attaqué de front l’histoire même du romantisme. M. Deschanel, lui, considérant le romantisme dans l’histoire comme la dernière phase accomplie de toute une longue évolution littéraire, s’est plutôt proposé de retrouver et de mettre en lumière, au cours de cette évolution, les signes précurseurs du romantisme futur. Voici, par exemple, dans Corneille une tendance à choisir des sujets « modernes » et comme pris au vif de la réalité historique ; voici dans Racine « la peinture la plus actuelle des passions ; » voici dans Boileau « des nouveautés hardies, du moins en fait de style et d’expression : » et tout cela, c’est du romantisme. Voilà maintenant dans Bossuet « l’audace de l’expression avec le naturel, la familiarité unie à la grandeur; » voilà dans Saint-Simon « cette langue ramassée de partout, toute fourmillante d’idiotismes et de locutions populaires; » voilà dans Rousseau « le vif sentiment et la peinture vraie de la nature extérieure : » et tout cela, c’est du romantisme toujours. Les définitions ne se posent pas a priori, si ce n’est peut-être en mathématiques. En histoire, c’est de l’étude patiente de la réalité qu’elles se dégagent insensiblement. Si M. Deschanel ne nous a pas donné du romantisme la définition que nous réclamions tout à l’heure, c’est, à vrai dire, que son enseignement a pour objet de préparer cette définition même. Nous la trouverons où elle doit être, à la fin du cours et non pas au début. Et, en attendant, M. Deschanel reconnaît l’un après l’autre, éprouve au contact des œuvres, et détermine par l’histoire les élémens divers qui devront finalement concourir, s’équilibrer, en quelque sorte, et se tempérer dans l’unité de la définition. C’est évidemment son droit; il était libre de sa méthode.
Mais alors, ce qu’il aurait dû plus rigoureusement définir, c’est ce qu’il entendait par cet autre mot, bien général et bien large aussi lui, de nouveauté dans l’art. Il loue par exemple Corneille, comme d’une « nouveauté, » du choix même de son sujet du Cid, sujet historique, — au moins pour les hommes du XVIIe siècle, — et sujet moderne. Mais, sujets modernes et sujets historiques, des Gaston de Foix, des Soliman, des Marie Stuart, on en avait mis au jour avant Corneille, et après Corneille on continua d’en mettre, des Thomas Morus et des Comte d’Essex, des Osman et des Bajazet, l’Anglais et le Turc, et même jusqu’à un Charles le Hardi, duc de Bourgogne, si toutefois la pièce a jamais été représentée. En un autre endroit, M. Deschanel fait honneur à Molière, comme d’une « nouveauté, » d’avoir eu l’audace d’écrire en prose les cinq actes de l’Avare, et il cite le mot qui courut : « Ah çà, Molière est-il fou de vouloir nous faire avaler cinq actes de prose? » Mais, outre que