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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/444

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grâce à ce traité, virent leur condition se modifier. Pendant des siècles, menacés d’une ruine complète, de trahison et d’assassinat, les princes de Monaco n’avaient eu qu’un temps de repos, celui pendant lequel ils s’étaient réfugiés sous l’égide de l’Espagne. Leurs galères qui, jusqu’à cette époque, avaient pratiqué la piraterie dans le golfe de Gênes, s’unirent noblement alors aux flottes de Rhodes, de Venise et de Malte pour disputer aux Turcs l’empire de la Méditerranée. Mais dès que les Grimaldi virent pâlir l’étoile de l’Espagne au soleil levant de la France, ils quittèrent en gens habiles Monaco pour Versailles. Les descendans de ceux qui n’avaient jamais porté que la chemise de buffle sous l’armure de fer prirent l’habit brodé des courtisans. Les loups dégénéraient en renards. Notre largesse et les hauts titres que nous leur avions octroyés leur permirent d’avoir un grand train à la cour. En 1698, Louis Grimaldi, nommé ambassadeur de France à Rome, entra dans cette ville avec des chevaux mal ferrés, mais ferrés en argent. Ce qui est mieux, à Fontenoy, sous les ordres de Maurice de Saxe, le prince Honoré se montra digne de ses ancêtres les plus glorieux. Son frère Maurice, atteint d’un coup de feu dans la mêlée, inspira à Voltaire cet alexandrin :

Monaco perd son sang, et l’Amour en frissonne !

À la bataille de Raucoux, on trouve encore les Grimaldi ; Honoré II y fut blessé.

Aux derniers jours de la terreur pourtant, le nom des Grimaldi fut encore noblement porté par une femme, l’épouse de Joseph de Monaco. Elle avait émigré comme beaucoup d’autres, quand éclata la première révolution. Mais ses enfans étant restés en France, elle y revint avant la fin de la tourmente. On l’arrêta en vertu de la loi des suspects. Le comité révolutionnaire de sa section lui permit, pendant quelques jours, de demeurer dans un hôtel ; mais bientôt il la fit conduire dans une maison d’arrêt. Ayant été condamnée à la peine de mort le 6 thermidor, an II, elle écouta sa sentence avec calme. Une heure avant que la princesse de Monaco parût devant ses juges, on lui avait fait entendre qu’en se déclarant grosse, elle pourrait échapper au supplice. Pensant à ses deux filles qui restaient sans soutien, elle se prêta un instant à cette ruse ; mais, comme il y avait longtemps qu’elle était séparée de son mari, elle ne voulut pas devoir la vie à un mensonge qui l’aurait dégradée à ses propres yeux. L’imprudente écrivit à Fouquier-Tinville ; elle écrivit la vérité, rien que la vérité, et cette héroïque franchise amena sa perte. Au moment d’aller à l’échafaud, elle se mit du rouge sur les joues