obéissant à sa direction. Hors du pouvoir, comme au pouvoir, il avait une action incessante, visible ou invisible, dans la chambre qu’il ne dominait pas toujours, qu’il ressaisissait parfois, et s’il n’était plus ministre, il pouvait sûrement encore faire ou de faire des ministères. Sa prépotence avait peut-être changé de forme ou pouvait être moins directe, moins ostensible, elle ne cessait de s’exercer. Le chef disparu, les problèmes de toute sorte s’élèvent. Que devient le parti privé brusquement de celui qui le conduisait à l’action, qui, à vrai dire, le personnifiait tout entier ? Quelle influence va avoir cette mort sur la distribution des forces parlementaires, sur les rapports mêmes du ministère avec les différens groupes, avec la majorité flottante de la chambre ? Les amis de M. Gambetta, échappés à la forte main qui les tenait disciplinés, resteront-ils unis ou se diviseront-ils, les uns allant au radicalisme, à l’extrême gauche, les autres se repliant vers la gauche relativement modérée ? A peine M. Gambetta a-t-il quitté le monde, on est déjà à se débattre sur son rôle, sur sa politique, sur les conséquences de sa disparition, et pour le moment ceux qui s’efforcent de maintenir intact, de retenir l’héritage du chef, comme ceux qui prétendent en profiter, semblent assez d’accord pour recommander l’union atout prix, l’union de tous les républicains. Le président d’âge de la chambre, qui a scandalisé l’autre jour l’assemblée en disant que « la république a été frappée d’un coup terrible, » s’est empressé, il est vrai, d’ajouter aussitôt que tout pouvait être réparé, que la république n’était pas en danger si on s’employait à « prévenir des divisions qui pourraient être une cause d’instabilité pour le pouvoir et d’affaiblissement pour le gouvernement républicain. » C’est ce qui s’appelle trancher sommairement, naïvement la difficulté ! L’union, c’est bien aisé à dire, et comment se réalisera-t-elle, cette union désirée, plus que jamais recommandée ? Si elle n’existe pas, c’est qu’il y a apparemment une multitude de causes qui l’ont détruite, qui la rendent aussi impossible ou aussi difficile aujourd’hui qu’il y a un mois, et ce n’est pas avec des recommandations, des déclarations ou des fusions de groupes qu’on la rétablira.
La vérité est que la mort de M. Gambetta est survenue dans un moment de crise déjà fort accusé, que le lugubre événement n’a fait que mettre plus vivement à nu et qui tient à toute une situation poussée à bout, compromise par les républicains eux-mêmes. Qu’on s’efforce aujourd’hui de remédier à cette situation par des palliatifs, par des exhortations pathétiques à l’union ou par des répartitions nouvelles des forces parlementaires, peu importe, on n’en sera pas plus avancé ; rien ne sera changé dans le fond des choses. La question, telle qu’elle se pose désormais avec une force nouvelle, est plus profonde ; elle est entre deux directions, entre deux politiques. D’un côté