sont ceux qui, après comme avant la mort de M. Gambetta, ne rêvent qu’agitation indéfinie, révision constitutionnelle, bouleversement des lois militaires, recrudescence des persécutions religieuses, guerres de secte, désorganisation complète et radicale de la magistrature; d’un autre côté sont ou doivent être ceux qui, éclairés par l’expérience, s’aperçoivent enfin que toutes ces questions ne sont que des moyens de trouble, de division et que, ce qu’il y a de plus prudent, de plus utile dans l’intérêt même de la république, c’est de laisser de côté ces discussions aussi irritantes que stériles pour en revenir aux affaires du pays. Dans un camp sont ceux qui, par fantaisie de parti, sans prévoyance, sans souci d’avenir, ne craignent pas d’entraîner l’état dans toute sorte d’entreprises et de dépenses, d’engager à outrance les finances publiques, de surcharger encore la dette, au risque d’épuiser sous toutes les formes les ressources nationales; dans l’autre camp sont ou doivent être tous ceux qui pensent que le moment est venu d’exercer une vigilance sévère sur l’équilibre des budgets, de mettre un frein aux dépenses inutiles, et qui croient que, dans un pays qui a plus de 20 milliards de dettes, il y a une sorte de trahison nationale à parler encore d’emprunts, à exposer la France à se trouver en face de quelque crise imprévue et décisive avec un crédit sans ressort, avec des finances épuisées. Voilà la question qui s’agite désormais entre les partis. Entre ces deux directions, entre ces deux politiques, de quel côté le gouvernement est-il décidé à se tourner? S’il croit désarmer les agitateurs, les réformateurs par des concessions, par des demi-mesures, il n’arrivera sûrement à rien ; il prolongera tout au plus la confusion et il ne tardera pas à être la victime de ses complaisances. S’il a la résolution de résister, d’engager la lutte contre les passions de parti et les idées fausses, il s’honorera certainement, et peut-être est-ce plus facile aujourd’hui qu’il y a quelques mois. Ce qui n’est point douteux, c’est qu’il n’y a plus à se faire illusion ni à hésiter, et que le choix d’une politique, à l’heure qu’il est, peut être décisif pour la république, pour la France avant tout, au moins autant que la mort de M. Gambetta lui-même.
Ces deuils redoublés, ces incidens soudains qui, depuis quelques jours, ont remué et absorbé la France, n’ont pas été visiblement sans émouvoir et préoccuper l’Europe elle-même; ils ont provoqué aussitôt bien des commentaires dans tous les pays, où la première pensée a été naturellement de chercher la signification extérieure de cette disparition de quelques hommes, et de se demander quelles en seraient les conséquences dans les affaires générales. Évidemment, aux yeux de bien des étrangers, M. Gambetta avait le privilège d’être plus que tout autre un personnage pour l’Europe, de représenter plus particulièrement entre tous les Français des idées de guerre éventuelle, de revanche nationale;