Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/609

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chambres jusqu’au fond du pays, le résultat inévitable apparaît. La rupture d’une unité factice en nulle débris, et la lutte prochaine, ardente entre toutes les fractions du parti. C’est cette situation nouvelle qui crée aux hommes de liberté et d’ordre une force et des devoirs nouveaux. Dans un moment où les idées les plus fausses trouveront des soldats et des chefs, seront-ils les seuls qui n’osent agir. Si les auteurs de la politique présente se divisent, le nombre et la force appartiennent à ceux que cette politique a déçus, inquiétés et indignés. Ne mettront-ils pas à profit l’heure imprévue où le parti révolutionnaire se débande, pour devenir un parti de gouvernement ?


VIII

S’ils le veulent, qu’ils se hâtent. Les régimes n’ont qu’un temps pour mériter de vivre. La situation présente se résume en ces mots : la chambre ne sait pas, la présidence ne veut pas, le sénat n’ose pas. Pour peu que cela dure, tous les pouvoirs réguliers du pays auront été éprouvés, le cycle fatal sera parcouru. Ce jour-là on n’aura plus à chercher, pour couronner l’Arc-de-Triomphe que Napoléon, éleva à la gloire de la France, une figure du gouvernement. L’image sera trouvée, et pour représenter les trois pouvoirs par un symbole que la France reconnaisse et comprenne, il suffira que le ciseau fasse sortir du marbre la Paresse endormie entre le Fanatisme et la Peur.

Mais, durant ce sommeil, une force veillera, ce sera encore la justice. Elle ne permettra pas que les conséquences s’arrêtent d’elles-mêmes sur leur pente. Si les minorités aujourd’hui maîtresses du pays continuent de le dominer, elles continueront à exclure ce qui menace la perpétuité de leur règne, elles se dévoreront elles-mêmes, et il apparaîtra que l’aristocratie la plus fermée est celle des démagogues. Voici que déjà tour à tour les plus fameux deviennent suspects, et comme la décadence des partis, semblable à la chute des corps, s’accélère par son propre mouvement, les hommes s’useront si vite que l’on verra se succéder des chefs dont la nullité et les vices stupéfieront le monde, et il ne sera plus vrai de dire qu’on monte, mais qu’on descend au pouvoir. Les divisions de citoyens, les luttes religieuses, le désordre des finances, iront grandissant avec la corruption. La corruption finit par dissoudre ce qu’elle a atteint. Le régime parlementaire, ainsi dégradé, n’aura pas plus de force à l’intérieur qu’il n’en gardera au dehors, et dans le mépris des assemblées germera le gouvernement d’un seul. Qu’arriverait-il si demain se levait