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Après le départ de la maréchale, Marie de Gonzague ne demeura point sans conseil et sans appui. Mazarin lui écrivait souvent et lui traça tout un plan de conduite, l’exhortant à la patience, la conjurant de « n’être point ménagère de ses complaisances envers le roi, » de « ne se point épargner, » de gagner le cœur de son mari pour l’amour de la France. Ces encouragemens n’étaient pas inutiles ; sortie victorieuse de luttes où sa couronne même avait été en jeu, Marie se sentait parfois sans force contre les difficultés et les ennuis de chaque jour. L’humeur de Wladislas s’assombrissait fréquemment sous l’influence de la douleur physique, et peut-être aussi d’irritans souvenirs. « Tout ensemble, écrivait la reine à Mazarin, fait qu’il me paraît fort froid. Souvent, si je ne me ressouvenais de vos conseils, je me révolterais. Je me garde au mieux qu’il m’est possible, mais je n’ai pas la force de m’empêcher d’être mélancolique… Quelquefois ma patience se lasse si fort que je me trouve en des sentimens de tout abandonner. Enfin perdez toute la bonne opinion que vous avez de mon esprit si je ne viens à bout de cette affaire, mais je m’attends encore à de mauvaises heures et à des chagrins[1]. » Sa tactique était, sans s’abaisser jusqu’à la plainte, d’opposer à toutes les difficultés cette douceur fière qui formait le fond même de son âme et qui, se joignant chez elle à toutes les séductions de la beauté, calmait peu à peu les impatiences de son mari et captivait insensiblement son cœur. Un rapprochement fortuit entre les deux époux acheva ce que la maréchale avait si bien commencé. Pendant l’été de 1644, Marie dut se rendre à Cracovie pour se faire couronner solennellement dans cette antique métropole, et Wladislas l’accompagna. Ils firent route ensemble pendant trois semaines dans le même carrosse et, au retour, se montrèrent sous les traits d’un ménage parfaitement uni. « J’eus avant-hier, écrivait alors Brégy à sa cour, l’honneur de jouer sept heures avec Leurs Majestés, et je crois que j’étais le seul qui m’ennuyais de jouer si longtemps, tant ils ont de satisfaction d’être ensemble. Le roi me promit d’accorder à la reine dorénavant la promotion de toutes les charges et de toutes les vacances du royaume ; si cela est, elle en tirera par an plus de 200,000 écus[2]. » Après avoir fait la conquête du roi, Marie entreprit celle de la Pologne. La diète venait de s’assembler ; elle était en séance depuis quarante-huit heures sans parvenir à se mettre d’accord sur aucun point, lorsque la reine fit appeler les principaux chefs de parti ; il lui suffit de quelques instans d’entretien pour les

  1. La reine au cardinal, 17 avril 1646. (Ministère des affaires étrangères.)
  2. Brégy au secrétaire d’état Loménie de Brienne, 28 juillet 1646. (Ministère des affaires étrangères.)