qu’on ne manquerait pas de provoquer, qui pourrait-on choisir ? A la rigueur, le plénipotentiaire bavarois serait propre à cet emploi, quoiqu’il soit un juriste trop pointilleux. Quant au Saxon, il est dans la dépendance personnelle de la présidence, le Hanovrien est sourd, le Wurtembergeois est confus, le Badois est un coupeur de cheveux en quatre, le Hessois a la sainte horreur du travail, celui de Darmstadt est Autrichien des pieds à la tête. »
Il déduisait savamment dans ses dépêches les raisons qui expliquaient l’ascendant exercé par l’Autriche sur ses confédérés. Elle savait se servir de la presse pour se ménager des intelligences jusque dans les feuilles prussiennes. D’autre part, les personnages les plus influens des cours allemandes avaient presque tous des fils ou des parens au service autrichien. Enfin les petites couronnes attribuaient à la Prusse le dessein d’exploiter les aspirations nationales et les passions populaires pour les réduire en vasselage, tandis que le cabinet de Vienne leur promettait de les protéger et contre les intrigues et contre les tempêtes, sans compter qu’il les avait accoutumées à redouter ses ressentimens, ses rancunes, ses représailles, et que la Prusse leur permettait d’abuser impunément de son indulgence et de sa longanimité. « Nos confédérés, écrivait M. de Bismarck, savent que l’Autriche n’observe dans ses rapports avec eux que la loi du talion, et que de quoi qu’il s’agisse, elle leur rend toujours la monnaie de leur pièce. » Il exhortait tout doucement M. de Manteuffel à en faire autant, il lui insinuait que dans l’univers en général et surtout dans les petites cours allemandes, la crainte est le plus puissant des mobiles. Mais M. de Manteuffel n’avait ni assez de persistance dans les idées ni assez de fermeté de main pour opérer les exécutions qu’on lui demandait. Tantôt il laissait échapper les occasions, tantôt après avoir fait un acte de vigueur, il mollissait subitement, dont M. de Bismarck enrageait.
Plus il allait, plus le jeune plénipotentiaire prussien désespérait de rien obtenir par des moyens agréables ni de la Bavière, ni du Wurtemberg, ni de la Saxe, ni des deux Hesses. Selon lui, les royaumes secondaires et les petits princes ne considéraient la confédération que comme une société d’assurance contre les dangers extérieurs ; mais ils étaient incapables de sacrifier à la grandeur nationale le moindre de leurs intérêts personnels, une seule de leurs prérogatives. Si quelques-uns d’entre eux semblaient coqueter avec le libéralisme, ce n’est pas qu’ils en eussent le goût ; mais soucieux du qu’en dira-t-on, de l’opinion, des jugemens de la presse, ils laissaient volontiers aux deux grandes puissances tout l’odieux des mesures réactionnaires et se donnaient l’air, en les acceptant, de se soumettre à une dure nécessité, qui n’était guère qu’une douce violence. S’ils nourrissaient des sentimens hostiles contre la France, ce n’était point par patriotisme, mais la France n’avait plus grand chose à leur promettre, à leur offrir ; les grandes