Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/718

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

disponibilité ceux qui ont des grades dans l’armée. Seulement le ministère n’a pas vu que cette concession de sa part équivalait à un commencement de capitulation, qu’il se désarmait devant un de ces essais de transaction qui surviennent souvent à la dernière heure. C’est ce qui est arrivé en effet. Entre la proposition Floquet et le projet du gouvernement est apparue cette combinaison à laquelle un professeur, M. Fabre, a donné son nom, que la commission de la chambre s’est appropriée et qui a trouvé des complices dans le ministère lui-même.

Ainsi en peu de jours, à propos d’une question qui n’existait pas il y a un mois, qui est née d’une agitation toute factice, il y a eu jusqu’à trois projets : proposition. Floquet, proposition du gouvernement, proposition Fabre. A vrai dire, malgré certaines nuances toutes ces combinaisons se ressemblent plus ou moins. La proposition Floquet est la proscription sans phrases ; le projet du gouvernement est une loi de suspicion qui fait des princes des résidens conditionnels, tolérés et surveillés ; la proposition Fabre, sous l’apparence d’une prétendue transaction, combine toutes les rigueurs : radiation de l’armée, inéligibilité, en laissant, il est vrai, au gouvernement, c’est-à-dire à des ministères qui passent, le droit éventuel et permanent d’expulsion. Au fond, quelles que soient les formes, tout ce qu’on a pu imaginer procède d’une même pensée de défiance haineuse et menaçante atteignant indistinctement, sur un soupçon, des personnes à qui on ne peut reprocher que leur naissance, leurs services et leurs talens : de telle sorte que, dans cette voie où l’on est entré, c’est le prince Napoléon qui a donné des griefs plus ou moins sérieux contre lui, ce sont les princes d’Orléans qui se trouvent le plus directement atteints dans leurs droits, dans leurs intérêts, dans leur sécurité, dans leur situation en France !

On a beau s’en défendre, quelle que soit l’issue de ces discussions qui sont aujourd’hui engagées dans le parlement, ce qui se passe est une grande tentative de résurrection des lois d’exception, des mesures de sûreté générale si souvent, si justement reprochées à l’empire. Qu’un régime établi ait toujours le droit de sauvegarder sa sécurité, de ne se laisser mettre ni en péril ni en doute, pas plus par des princes que par les plus simples citoyens, oui certainement on ne le conteste pas. Encore cependant faudrait-il savoir se servir des lois sans trouble, sans violence arbitraire, sans chercher une garantie dans des proscriptions qui n’ont jamais rien sauvé, qui, le plus souvent, n’ont prouvé que la faiblesse des proscripteurs. Pour recourir à des mesures particulières de défense, il faudrait au moins qu’il y eût des motifs saisissables, il faudrait qu’il y eût des « actes, » selon le mot d’un sénateur, M. Feray, qui a contribué à fonder la république. Et ces actes, où sont-ils dans la vie que les princes d’Orléans mènent depuis douze ans en France ? Oh ! sans doute, ils ont leur part dans tous ces complots fantastiques dont on parle depuis quelques jours. Imaginez donc ! M. le duc