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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/769

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rien dans le trafic énorme qui se fait de nos jours entre l’Europe et l’Asie ou l’Afrique ; que, partout où elles passent, elles ne soulèvent que des haines, comme le prouve surabondamment le nombre de missionnaires qui tombent chaque année sous les coups des assassins ; qu’en un mot, elles sont une entrave pour le commerce, un danger pour la sécurité des contrées où elles s’établissent, une cause de défaveur pour le gouvernement qui. les protège. Lorsqu’on répond à ces accusations par l’exemple des protestans que l’Angleterre soutient sur tous les points du globe avec une si grande énergie, et qui néanmoins sont aussi envahissans que Les catholiques, on prétend que ce n’est pas la même chose. Les protestans sont des Anglais, fortement attachés aux institutions nationales et profondément dévoués à la politique de leur pays ; leur propagande est bien plus anglaise que religieuse. Ils enseignent le christianisme, distribuent des bibles et des tracts, qu’on lit ou qu’on ne lit pas ; mais leur tâche principale est de servir l’Angleterre Puis ils vivent de la vie laïque ; ils ont femme, et enfans ; ce sont des hommes comme les autres, de fidèles sujets de la reine, des instrumens dociles du gouvernement britannique. Les jésuites et les autres membres des congrégations catholiques peuvent être Français de naissance ; mais ils appartiennent avant tout et par-dessus tout à l’église et à leur ordre ; c’est de leurs chefs spirituels qu’ils reçoivent leurs instructions ; ils sont soldats de la foi, rien de plus, rien de moins. Ils se servent de l’influence française quand ils le peuvent, mais ils ne la servent pas et c’est une duperie de mettre notre diplomatie au service de leurs intérêts. Notre politique extérieure doit être laïcisée comme l’a été notre politique intérieure. C’est à la république d’accomplir cette grande œuvre qui ne lui fera pas moins d’honneur que la campagne vigoureuse par laquelle elle a arraché la France aux mains du clergé.

Ce sont là de graves critiques ; mais sont-elles justifiées ? On est d’abord quelque peu surpris de la comparaison que les adversaires des missions catholiques établissent entre celles-ci et les missions géographiques et commerciales. Lorsqu’ils demandent quel centre de commerce, quel trafic important les missions catholiques ont établis, il est bien clair qu’ils se donnent le trop facile avantage de convaincre d’impuissance l’institution qu’ils combattent. Assurément les missions catholiques ne fondent pas des comptoirs, ne créent pas des industries, n’ouvrent pas des débouchés ; elles se contentent de préparer le terrain pour ces fécondes entreprises en formant les populations à notre civilisation, à nos mœurs, à notre langue. Et ce n’est pas, quoi qu’on en dise, même pratiquement et commercialement, un médiocre service. Des relations d’affaires sont