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car, à la manière dont elle est traitée et résolue dans certains débats de la chambre des députés, il semble en vérité que les intérêts les plus évidens de la France doivent être sacrifiés aux systèmes philosophiques ou aux rancunes anticléricales de quelques personnes : je veux parler du maintien du protectorat catholique. Tout le monde sait que le protectorat catholique a été un des élémens les plus féconds, les plus actifs de l’expansion de la France au dehors ; tous ceux en particulier qui ont visité soit l’Orient méditerranéen, qui est en quelque sorte à nos portes, soit cet extrême Orient, vers lequel se dirigent avec un si remarquable ensemble les efforts des grandes puissances européennes, et dont les prodigieux perfectionnemens de la navigation nous rapprochent chaque jour, tous ceux qui ont étudié et qui connaissent ces contrées ont constaté que c’était sur le fondement religieux qu’y reposaient notre influence et notre prestige. A cet égard, les témoignages impartiaux sont unanimes, qu’ils viennent de libres penseurs déclarés, d’esprits simplement libéraux ou d’âmes sincèrement catholiques. Mais il n’en reste pas moins à savoir si l’instrument du protectorat catholique n’est pas un instrument usé ; si, fort précieux dans le passé, il n’est pas devenu nuisible aujourd’hui ; s’il ne nous cause pas plus de tracas qu’il ne nous procure de profit ; enfin, en admettant même qu’il puisse encore nous être utile, s’il convient à une puissance aussi émancipée que la nôtre de toute idée religieuse, de s’obstiner à se faire chez d’autres peuples le champion de la foi. Beaucoup de personnes émettent à cet égard les doutes les plus sérieux. On me permettra de les discuter dans un sentiment purement politique, sans aucune de ces préoccupations doctrinales dont on a tant de peine à se défaire dès qu’on touche à un sujet où la religion est en cause.


I

On entend dire chaque jour que l’heure est venue pour les missions catholiques de céder la place aux missions scientifiques et commerciales ; que les premières s’attaquent à des croyances et à des coutumes qu’il est du devoir des voyageurs de respecter, tandis que les secondes apportent avec elles la tolérance, des découvertes scientifiques, des offres d’échange avantageuses à ceux qui les acceptent comme à ceux qui les proposent ; qu’il n’est guère possible aujourd’hui de prouver que les missions catholiques ont été jamais ou seront un jour profitables à la France ; que leur tendance à dominer dans les pays où elles se sont fixées nous ont valu souvent et longtemps d’être bannis de ce pays ; qu’elles ne sont pour