cachent le repos et la paix. Grande serait son erreur. S’il n’entend rien, c’est que les cris de la misère, de la douleur et de l’agonie ne viennent pas jusqu’à ses oreilles. Qu’importe ce silence apparent, s’il y a, derrière ce silence, des êtres qui souffrent et qui meurent !
Dans les grandes villes, comme sur les rivages de l’océan, le calme de la surface cache les innombrables désespoirs d’une lutte incessante, où il y a toujours des vainqueurs et des vaincus.
La lutte qui est perpétuellement ! engagée entre tous les êtres vivans est une lutte sans merci, et nulle pitié n’est réservée au vaincu. Si, des clameurs confuses que soulève dans l’univers ce conflit sans fin, quelque cri se dégage, c’est bien le fameux cri du vieux. Brennus quand il jetait son épée dans les balances du Capitole : Vœ victis ! Malheur aux vaincus !
Malheur à ceux qui ne sont pas bien armés pour le combat ! Malheur à ceux qui sont imprudens ou faibles ! De toutes parts l’ennemi est là, avec ses dents acérées ou ses puissantes mandibules, avec ses poisons subtils, ou ses pièges pleins d’astuce. Il ne faut pas tomber entre ses griffes, car il a faim, et il ne pardonnera pas. Ainsi notre globe terrestre est un champ de bataille perpétuel et universel. Les êtres vivans luttent pour vivre, et s’ils ne luttaient pas, ils seraient promptement anéantis. De là une incessante transformation. Nous assistons chaque jour au miracle qui émerveillait le pasteur Aristée : du taureau mort se dégage un essaim d’abeilles. Et qu’importe, en effet, la mort d’un taureau si d’autres êtres vivans lui succèdent sur la terre ?
Si l’on voulait prêter une volonté ou un but à la nature de toutes choses, on dirait qu’elle a peu de souci de la vie ou du bonheur de ses enfans. Pour elle les individus ne sont rien. Leurs misères, leurs souffrances, leurs morts, n’ont aucune importance : la nature ne fait aucun effort pour leur épargner quelques douleurs ». Sa seule préoccupation paraît être de perpétuer l’espèce ; elle veut assurer la vie, non des formes, mais des types. On peut la concevoir comme étant dans un perpétuel enfantement, adonnée à la seule tâche de conserver les espèces animales en sacrifiant les individus.
Il semble même que la nature mette une sorte de précipitation à faire disparaître les individus. Beaucoup d’animaux, et la plupart des plantes, ne vivent que le temps strictement nécessaire à la reproduction de l’espèce. L’épi de blé périt après qu’il a fructifié. Le papillon dépose ses œufs près d’un tronc d’arbre et meurt. Il a rempli son rôle, qui est de vivre et d’assurer la survie de son espèce. Les œufs qu’il a confiés à la terre vont se développer sans lui ; puis la génération nouvelle, accomplissant le même cycle, mourra à son tour, perpétuant par sa fécondité l’espèce à laquelle elle