à quelques individus d’échapper à la destruction pour qu’ils puissent rapidement, par leurs descendans, repeupler la terre.
Tel microbe, par exemple, végète avec une rapidité telle qu’un individu forme en une heure deux individus. Il y en a quatre à la seconde heure, et huit à la fin de la troisième. C’est à peu près quinze millions en vingt-quatre heures, et deux cent cinquante mille milliards au bout de quarante-huit heures. Il suffira donc de la survie d’un seul microbe, jeté sur un terrain favorable, pour qu’il produise en deux jours deux cent cinquante mille milliards d’individus. Voilà comment ces petits êtres, qui ont besoin pour vivre de circonstances toutes spéciales, peuvent triompher dans la lutte pour l’existence. Leur fécondité est telle que leur destruction totale est presque impossible, puisque la survie de quelques individus permet la prompte restauration de l’espèce.
A mesure qu’on remonte dans la série des êtres, on voit la fécondité diminuer. Mieux l’animal est armé pour la lutte, par sa taille ou son intelligence, moins il a de fécondité. C’est qu’en effet l’équilibre est nécessaire entre les moyens de lutte des différens êtres. Pour qu’ils vivent tous, pour qu’ils aient tous leur place au soleil et à la terre, il faut que certaines infériorités soient compensées par certaines supériorités. C’est le plus ou moins de fécondité qui rétablit la balance ; de sorte qu’en dernière analyse, il y a équilibre entre tous les êtres vivans. La lutte se renouvelle incessamment à chaque génération, et les vaincus compensent leur faiblesse par leur prodigieuse fécondité.
Je ne puis ici entrer dans le détail de toutes les ressources dont la nature dispose, de tous les moyens qu’elle a mis en œuvre pour arriver à cette fin unique : la conservation de l’individu et la conservation de l’espèce. Avec chaque animal varient les moyens de lutte. L’étude de ces moyens de lutte serait donc, en quelque sorte, la zoologie toute entière. Cependant quelques exemples rendront mieux ma pensée.
Pour bien faire comprendre ce qu’il faut entendre par moyens de résistance et de lutte, je prierai le lecteur de faire avec moi, par la pensée, une petite excursion sur le rivage de la mer. Soulevons une pierre. De nombreux coquillages (ou mollusques) y sont solidement attachés. C’est pourquoi, quel que soit le danger qui le menace, l’animal ne peut s’y soustraire par la fuite ; en tout cas, il peut refermer sa coquille, qui lui offre une protection très suffisante. Si quelque agresseur vorace essaie de disjoindre les deux valves d’une moule, instinctivement l’animal referme ses deux valves avec une énergie extrême ; et cette constriction va en croissant à mesure que l’ennemi augmente son effort. Voici un crabe qui court obliquement sur le rivage ; quoiqu’il soit revêtu d’une solide cuirasse, hérissée de