fait à lui-même, il lui faut un corps qui le complète. La momie., son corps véritable, quelques précautions qu’on prenne pour la conserver, peut périr. On doit donc prévoir le cas où un accident inattendu amènera sa destruction et trouver un moyen de la remplacer. Ce qu’il y avait de plus simple, c’était de faire d’autres images du corps qui eussent la chance de durer plus que lui. Des statues de pierre, de marbre, même de bois, dans un pays comme l’Egypte, sont presque éternelles ; on peut d’ailleurs les multiplier autant que l’on veut, et il est vraisemblable que, sur le nombre, il y en aura toujours quelqu’une qui survivra. Voilà pourquoi on les retrouve en abondance dans les chambres funèbres : elles sont comme des suppléans de la momie, destinés à fournir au double cet appui corporel dont il a besoin pour subsister.
C’est ainsi que la sculpture est née chez les Égyptiens, et cette origine explique le caractère qu’elle avait pendant les plus anciennes dynasties. Ces statues funèbres, qui tenaient la place du corps véritable, devaient avant tout lui ressembler. Il fallait que jusqu’à un certain point le double pût se tromper, et, dans le corps de pierre qu’on lui donnait en échange de l’autre, se regarder comme chez lui. Les artistes égyptiens essayèrent donc d’abord de reproduire exactement la réalité ; de là sont venues leurs qualités principales. M. Perrot rappelle que de tout temps, dans les arts plastiques, le portrait, entrepris avec une conscience intelligente et le désir passionné du vrai, a été l’école où se sont formés les maîtres. En ce genre, les Égyptiens ont produit des chefs-d’œuvre. Tout le monde ne peut pas faire le voyage de Boulaq pour admirer la statue à laquelle on a donné le nom de Cheik-el-Béled, parce qu’elle était si vivante que les fellahs qui la déterrèrent crurent y reconnaître les traits du maire de leur village ; mais il y a près de nous, au Louvre, des échantillons fort curieux de la sculpture égyptienne, et rien n’est plus aisé que d’aller les voir. Tel est le Scribe accroupi, placé au milieu de ce qu’on appelle la salle civile ; M. Perrot en fait une description que je veux reproduire : « Il est assis, dit-il, les jambes croisées, dans une posture encore familière aux Orientaux. Sa figure sèche et maigre, aux pommettes osseuses, pétille d’intelligence. La noire prunelle des yeux étincelle. Si le respect ne la fermait, la bouche aurait déjà parlé. Les épaules sont hautes et carrées, la poitrine est large, avec des muscles pectoraux très développés. Les bras ne sont pas collés au torse, leur mouvement est aisé et naturel. L’une des mains soutient une bande de papyrus, sur laquelle l’autre main, armée d’un roseau, trace des caractères. Ce qui dans cette figure frappe les plus indifférens, c’est surtout l’effet singulier du regard. Cet effet a été obtenu par une combinaison très habile. Dans un morceau de quartz blanc opaque est incrustée une prunelle de cristal de roche bien