résolu le problème ; il les a mises à l’abri des indiscrets jusqu’au jour où, après les épreuves du grand voyage, l’aide d’Osiris leur rendra la vie. Quant aux autres, il faut bien reconnaître qu’il n’a pas pu les préserver, mais le désir qu’il en avait, les efforts qu’il a faits pour y réussir ont excité son esprit et lui ont fait créer des formes nouvelles qui donnent à l’art égyptien une merveilleuse originalité.
Ainsi le culte des morts, qui est la grande préoccupation des Égyptiens, a beaucoup profité à leur architecture. M. Perrot montre qu’il leur a rendu d’autres services encore. Ce n’est pas tout de loger le défunt dans une demeure sûre, il faut entretenir aussi de quelque manière ce reste de vie qu’il a conservé. Tant que survivent ceux qui l’ont aimé, on ne le laissera manquer de rien. Ses parens, ses amis viendront faire, près de sa sépulture, des repas dont il prendra sa part ; mais avec le temps, quand sa mémoire se sera effacée sur la terre, ces hommages doivent cesser, et il n’aura plus alors, pour se soutenir, que ce qu’il aura emporté avec lui dans sa tombe. On a remarqué que les murs en sont ordinairement couverts de peintures qui représentent des scènes de la vie commune. Nous en avons vu des reproductions exactes, au palais du Trocadéro, pendant la dernière exposition universelle, et je me rappelle avec quel plaisir on regardait ces petits personnages peints de couleurs éclatantes qui travaillaient si consciencieusement la terre, qui menaient aux champs des oies ou des ânes, qui conduisaient avec tant d’ardeur sur le fleuve leur barque de papyrus. Ce ne sont pas là de simples décorations qui ne servent qu’à rendre la tombe plus belle. Le mort est censé jouir de ces spectacles, et les inscriptions nous le disent. Dans la chambre funèbre de Ti, une des plus belles qu’on ait découvertes, nous lisons, au bas de ces petits tableaux plaqués sur la muraille : « Il voit l’arrachage et le foulage du raisin et tous les travaux de la campagne. — Il voit les étables des bœufs et des bestiaux ; il voit le blé qu’on moissonne et qu’on transporte à dos d’âne. » Non-seulement il le voit, mais, selon M. Maspero, il en profite. Tous ces gens affairés travaillent pour lui dans la tombe, comme ils le faisaient pendant la vie. De ces moissons qu’on arrache, de ces troupeaux qu’on mène paître, de ce pain qu’on cuit, de ces mets qu’on prépare, il lui revient assurément quelque chose : après tout, l’image d’un aliment peut suffire à celui qui n’est plus que l’ombre d’un homme. « L’Égyptien croyait, dit M. Maspero, qu’il s’assurait au-delà de la vie terrestre la réalité de toutes les scènes et de tous les objets qu’il faisait représenter dans sa tombe. » C’est ce qui l’encourageait à en multiplier le nombre. Voilà donc un art nouveau, la peinture, qui est redevable de son développement et de ses progrès aux croyances des Égyptiens à propos de l’autre vie.
La sculpture leur doit plus encore. Le double, nous l’avons vu, a besoin d’une sorte d’appui et de soutien ; il ne se suffit pas tout à