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ces débats qui viennent de se dérouler au Luxembourg comme au Palais-Bourbon, on n’a pas pu préciser un grief sérieux pour justifier ces rigueurs exceptionnelles contre des princes qui, depuis douze ans, n’ont créé ni un péril ni un embarras. On n’a recueilli que des bruits, des soupçons, des puérilités. — Ils sont princes, dit-on, et cela suffit ! Ils sont des prétendans innés, des conspirateurs involontaires par leur nom, par tout ce qu’ils représentent ; ils sont dangereux comme tels, et la république, en se mettant en garde, en les bannissant, ne fait que ce que tous les gouvernemens ont fait avant elle. Oui, sans doute, tous les gouvernemens l’ont fait. La restauration a banni les Bonaparte en les menaçant de mort s’ils tentaient de rentrer. La monarchie de juillet a banni les Bourbons aînés en laissant peser la proscription sur la famille de Napoléon. L’empire est revenu et il a banni toutes les autres familles, les princes d’Orléans comme M. le comte de Chambord. L’empire a fait en outre des lois de sûreté générale, et il a même pris des mesures pour empêcher les princes exilés d’écrire sous leur nom, de publier en France, ne fût-ce qu’un livre d’histoire ou un simple article. Tous les gouvernemens ont fait ainsi, c’est possible ; mais d’abord lorsque, sous le régime monarchique, des dynasties se font la guerre, se proscrivent entre elles, c’est un peu moins extraordinaire, puisqu’il y a rivalité, lutte de droits ou de prétentions dynastiques. La république ne reconnaît ni dynasties, ni prétendans. Pour elle il n’y a point de princes, il n’y a que de simples citoyens qui restent soumis aux lois communes et qui s’exposent aux répressions communes le jour où ils tentent de troubler l’ordre et l’état. C’est par des lois d’exception qu’on rend aux princes leur caractère de prétendans en relevant leur importance politique. Et, de plus, c’est vraiment une étrange manie de certains républicains d’être toujours prêts à puiser dans l’arsenal des répressions d’autrefois. Dès qu’ils croient pouvoir légitimer l’arbitraire, les mesures d’exception par l’exemple des monarchies ou de l’empire, ils se sentent rassurés et tranquilles ; ils croient avoir répondu à tout ! ils manient d’une main inexpérimentée et violente toutes ces armes redoutables qu’ils vont chercher partout, les exécutions administratives par raison d’état, les spoliations sommaires, les expulsions des congrégation s, l’exil des princes par mesure d’exception. En dehors de toute idée de justice et de droit, les républicains impatiens de répressions et d’expulsions devraient bien pourtant se demander encore ce que sont devenus ces autres gouvernemens auxquels ils ne savent emprunter que leurs plus mauvais et leurs plus dangereux procédés.

Non, heureusement, l’arbitraire n’a jamais servi à rien et n’a sauvé aucun gouvernement. L’exil des princes ne serait pas une garantie, une précaution efficace ; il ne serait qu’une dureté inique et gratuite. Il ne répond même plus à une situation toute nouvelle. À la rigueur, si