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des champs a été brûlée par le soleil de l’été et où les troupeaux sont encore à la montagne. Graduellement cependant on s’approche du Gargano, dont on commence à distinguer les belles forêts de hêtres et de chênes, faisant des taches d’un vert sombre sur les flancs de la montagne, et dont la plus haute cime, le Monte Calvo, s’élevant à plus de 1,500 mètres de hauteur, retient presque toujours autour d’elle une calotte de nuages. On se dirige, en effet, vers le point où ce massif isolé, à l’échine allongée d’ouest en est, se détache de la plaine et commence à plonger dans la mer son flanc méridional.

Encore dans la plaine, aux trois quarts du chemin, l’on rencontre l’ancien couvent de San-Leonardo, où Hermann de Salza établit en 1223 une commanderie de l’ordre teutonique, dotée de 20,000 florins d’or de revenu annuel. Les bâtimens conventuels sont transformés en métairie et dans un grand état de délabrement, mais l’église mérite une visite. Son portail surtout, que je n’ai vu jusqu’ici dessiné nulle part, est un beau type du style du milieu du XIIe siècle dans ces contrées ; l’abside est également un morceau remarquable d’architecture romane. Notons encore la superbe cuisine du couvent, qui rappelle par ses dispositions celle de l’abbaye de Fontevrault.

Quelques kilomètres encore, et l’on franchit la rivière du Candelaro, tout près de l’endroit où elle se jette dans la lagune appelée Pantano Salso, le Lacus Pantanus des anciens, qui reçoit aussi le Cervaro, dans l’antiquité Cerbalus. A quelque distance de là, sur le bord de la lagune, auprès du goulet par lequel elle débouche dans la mer, une église de style byzantin, toute bâtie en matériaux antiques, est debout au milieu de la campagne solitaire. L’intérieur en a été quelque peu défiguré par des réparations modernes du plus mauvais goût; de nombreux ex-voto s’y voient suspendus auprès d’une Madone miraculeuse. Le pavé est composé en grande partie de pierres tombales intéressantes. Au-dessous règne une vaste crypte, une église inférieure, qui n’a pas été gâtée comme l’église supérieure. Le plan se répète exactement le même en haut et en bas et est unique dans son genre. Il dessine trois carrés inscrits l’un dans l’autre, séparés par des colonnes de granit dans la crypte, de marbre dans l’église haute, supportant des arcades cintrées d’une forme svelte. L’autel est au centre, sous une petite coupole qui s’appuie sur quatre forts piliers placés aux angles du carré intérieur formant sanctuaire et entouré de deux collatéraux sur ses quatre faces. C’est, on le voit, la disposition de certaines églises rondes à trois cercles concentriques, qui cette fois a été transformée en carré. Extérieurement l’édifice dessine un cube, surmonté au