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Turquie une indemnité de 10,000 drachmes. L’heureux possesseur du trésor d’Hissarlik fit sa paix avec la Sublime-Porte en offrant 50,000 drachmes au lieu de 10,000 à la caisse du musée impérial.

Cet embryon de musée était alors sous la direction d’un archéologue autrichien, le docteur Déthier, qui passait en Turquie pour un savant considérable. Comme tous les étrangers ou non-musulmans au service de la Porte, le docteur Déthier se sentait suspect et s’efforçait de prouver son zèle en se montrant plus Turc que le Grand-Turc. C’est à son initiative qu’est due la loi du 24 mars 1874 qui est encore en vigueur aujourd’hui. Voici, en résumé, les dispositions de cette loi[1]. Toute antiquité non découverte appartient au gouvernement. Quant aux antiquités trouvées par ceux qui effectueraient des fouilles par autorisation, un tiers appartiendra au gouvernement, un autre tiers à l’inventeur et le reste au propriétaire du terrain. La répartition des antiquités se fera, suivant la demande du gouvernement, en nature ou en valeur. Est interdite toute fouille sans autorisation officielle et sans le consentement du propriétaire du terrain, sous peine de la confiscation des trouvailles, d’une amende de 1 à 5 livres turques et d’un emprisonnement de trois jours à une semaine. Un commissaire du gouvernement est adjoint au fouilleur et doit être rétribué par ce dernier. Ceux qui découvrent des antiquités, par hasard ou en fouillant, doivent prévenir le gouvernement dans les dix jours. Le partage se fait par l’autorité locale, ou, si elle éprouve de l’embarras, par le ministère. Les antiquités indivisibles seront estimées par des experts et la répartition se fera en valeur. Une liste de monnaies et autres objets antiques destinés à être exportés à l’étranger doit être transmise au ministre de l’instruction publique, sans l’autorisation duquel ces antiquités ne peuvent être exportées. Si le gouvernement veut faire l’acquisition de ces objets, il en paiera le prix. Quant au reste, le possesseur sera libre de le faire sortir. Les antiquités saisies en flagrant délit de contrebande seront confisquées. Ceux qui auront démoli ou endommagé des antiquités seront condamnés à l’amende ainsi qu’à un emprisonnement d’un mois à un an. Le produit du droit de 5 pour 100 à percevoir sur les antiquités vendues aux enchères publiques, l’argent provenant du partage en valeur des antiquités, ainsi que les produits des confiscations appartiennent à la caisse du musée impérial.

Il est triste de penser qu’une telle loi a été conçue et rédigée par un archéologue européen. La division en trois parts d’une trouvaille d’antiquités est presque toujours impraticable, car les objets d’art découverts ensemble, formant une série, sont par leur nature indivisibles.

  1. Législation ottomane, de Nikolaïdes, t. III, p. 162.