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aussi bien de Weber ou de Meyerbeer. Si j’excepte le parti-pris d’employer des unissons à la place du chœur, je ne vois rien là, mais absolument rien que l’auteur d’Euryanthe et l’auteur du Prophète ne consentissent à signer, eux que la mélodie continue eût trouvés sceptiques, eux qui se seraient laissé brûler vifs plutôt que de renoncer jamais aux formes organiques du drame lyrique et de livrer l’infini de l’espace aux développemens d’un éternel récitatif que balance un roulis de l’orchestre murmurant, grommelant et rabâchant ce que l’école appelle aujourd’hui « le motif conducteur, der leitende Motif. » Ces fils dirigeans, véritables écheveaux d’Ariane, sont en quantité. Un adepte, M. de Wolzogen, dans un Guide du voyageur à travers les labyrinthes de Parsifal, en compte trente-six ; d’autres, comme M. de Heintz, vont jusqu’à soixante-six. Il y a naturellement le motif du Saint-Graal, d’abord spécial, puis se compliquant des divers motifs s’y rapportant, celui de la communion, de l’oracle, etc. En outre, chaque personnage a le sien qui l’accompagne partout comme son ombre, tantôt devant, tantôt derrière, et se modifiant selon les mouvemens du caractère. Parsifal, Amfortas, Klingsor, marchent ainsi chamarrés de signalemens pareils à ces losanges multicolores de l’habit d’Arlequin. Kundry, à elle seule, en possède un jeu des plus variés ; il y a le motif de Kundry sorcière et de Kundry énamourée, de Kundry quand elle s’avance au galop farouche et les cheveux épars, et de Kundry quand elle s’humanise, qu’elle rit aux éclats ou qu’elle se fâche. Il s’agit simplement d’avoir appris par cœur sur la partition tous ces motifs dirigeans ; alors vous serez presque certain de ne pas trop vous embrouiller dans le cours de la représentation. Faites comme dans la cavalerie, où cela va tout seul pourvu qu’on ait la clé de la sonnerie, car autrement c’est à ne pas s’y reconnaître ; la botte, le boute-selle, l’appel, on ne distingue plus, et dame ! alors, gare la salle de police !

À prendre l’œuvre en son entier, drame et musique, le Parsifal de Richard Wagner ne nous offre que sujets de rapprochemens avec son Lohengrin. Parsifal et Lohengrin sont deux chevaliers du Cygne, et l’on se plaît à supposer que le noble oiseau dont la flèche de Parsifal vient de percer le cœur au premier acte fut le père ou le grand-père du cygne qui devait un jour servir à la délivrance d’Eisa en guidant vers elle la barque de Lohengrin. Dans la légende, Lohengrin est le fils de Parsival ; dans l’ordre chronologique des opéras de Wagner, la généalogie se trouve intervertie, mais l’auteur, toujours sur le qui-vive en matière d’allusions et de citations, a bien soin d’établir les liens de parenté en reproduisant, au moment où Parsifal tue le cygne, les mêmes accords qui, dans Lohengrin, ont accompagné son arrivée au premier acte et son départ à la dernière scène du troisième.

Le second acte de Parsifal se passe chez Klingsor, en plein paga-