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majorité du pays avec un sentiment de soulagement et de délivrance.

Le centre gauche pouvait se considérer comme l’arbitre des destinées nouvelles de la France, dans une république dont l’organisation constitutionnelle était son œuvre propre. Non-seulement il avait fondé un gouvernement, mais il avait eu une part considérable à toutes les lois qui devaient assurer le relèvement moral et matériel du pays. Uni à la gauche, sans s’abandonner à ses entraînemens, il avait résisté avec fermeté et souvent avec succès aux entraînemens en sens contraire de la droite monarchique et cléricale. L’assemblée nationale, — M. Jules Simon a raison de lui rendre ce témoignage, — était, dans sa presque unanimité, animée d’un esprit sincèrement libéral. Elle y mêlait, au début, d’assez grandes illusions. C’est seulement après le 24 mai, quand les illusions se furent en partie dissipées, quand les compétitions de partis ou de personnes aigrirent de plus en plus les esprits, qu’une politique de réaction et de compression ou, comme on la qualifiait, une « politique de combat » parut l’emporter, dans une fraction considérable de la droite, sur la politique de liberté. Le centre gauche ne céda ni aux illusions de la première heure ni aux défaillances de la dernière. Il s’associa au vote de la loi de décentralisation départementale, en s’efforçant de corriger ou de tempérer ce qu’elle avait d’excessif. Il vota, en 1871, la loi libérale sur la presse, dont M. le duc de Broglie fut l’éloquent rapporteur, et il résista en 1875 à l’abrogation partielle de cette loi, réclamée par les amis de M. le duc de Broglie. Il s’unit à la droite et à la plus grande partie de la gauche pour garantir, dans la loi sur l’armée, la liberté religieuse des soldats, mais il se refusa au rétablissement d’une aumônerie militaire qui pouvait devenir un instrument de pression cléricale. Il eut la plus grande part dans l’élaboration de la loi sur la liberté de l’enseignement supérieur. M. Dupanloup s’est laissé féliciter par le pape Pie IX et injurier par les radicaux comme le promoteur et le principal auteur de cette loi. La vérité est qu’il ne faisait pas partie de la commission qui l’a préparée, et que la droite y était en minorité. Cette commission était présidée par un des membres les plus éminens du centre gauche, M. Laboulaye, et c’est lui qu’elle choisit pour rapporteur. La discussion publique amena l’introduction, dans le projet de loi, de dispositions contraires, soit aux droits de l’état, soit à la liberté des individus. Le centre gauche lutta contre les unes et les autres, et son échec sur des points capitaux décida plusieurs de ses membres, soit à s’abstenir dans le vote final, soit à voter contre l’ensemble de la loi; mais son adhésion, et il convient d’ajouter celle de la gauche presque tout entière, n’avaient manqué ni au principe de la liberté d’enseignement ni à aucune des dispositions qui l’ont