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de soins éclairés, affectueux même, qui constituent l’homme de cheval, tout cela est rare dans le Midi. Que nous sommes loin de ces mœurs patientes et douces du paysan hanovrien, pour qui son attelage de quatre chevaux résume toutes les espérances, toutes les craintes, toutes les joies et tous les gains! Aussi avec quelle sollicitude il le nourrit, avec quelle propreté il l’entretient, avec quelle douceur attentive il le commande au travail, proportionnant toujours l’effort à la force de chaque animal!

Ce goût du cheval existe en Normandie, en Bretagne et dans le Perche, mais il manque à peu près ailleurs. Fâcheuse au point de vue de l’industrie chevaline, la chose est encore plus regrettable pour le recrutement de notre armée. N’est bon cavalier que celui qui aime son cheval et s’en fait un vrai compagnon.

L’instruction agricole pourrait développer ce goût dans les populations rurales, mais leurs mœurs ne changent guère que sous le stimulant du gain. Que la production chevaline sorte de la langueur dans laquelle elle se traîne au sud de la Loire, en dépit des primes distribuées par l’administration des haras, qu’elle devienne rémunératrice, et tout se modifiera. Pour qu’il en soit ainsi, le point de départ doit se trouver dans un contingent suffisant d’étalons de race orientale, modifiés en taille et en force par leur élevage en France. Ce qui s’impose ensuite, c’est l’alimentation plus substantielle du poulain; c’est par-dessus toutes choses un travail modéré dès l’âge de trois ans, condition essentielle pour obtenir un vrai cheval d’arme ou un bon cheval de trait léger, au lieu du méchant bidet résultant de l’élevage sur place à l’étable.

Soit en produisant directement des étalons arabes ou anglo-arabes, soit en facilitant cette production par l’industrie privée, grâce à la vente d’une partie de ses pouliches de pur sang, la jumenterie de Pompadour rend d’inappréciables services à l’industrie chevaline dans le Midi. Cet utile établissement de l’état trouvera-t-il désormais une stabilité qui jusqu’ici lui a manqué complètement? Il faut le souhaiter plus que l’espérer. Rappelons-nous seulement qu’alors que l’élevage du cheval d’arme subit chez nous toutes les vicissitudes, il est une puissance qui depuis Iéna poursuit avec une inflexible persévérance l’amélioration de sa cavalerie par la race orientale.


F. VIDALIN.