situation du jour : une campagne de révision constitutionnelle qui vient de recommencer dans la chambre des députés, qui promet du bon temps à la province comme à Paris, et ces premières manifestations populaires qui viennent de se produire, qui se renouvelleront, à n’en pas douter, qui peuvent devenir bien autrement sérieuses. Nous voici provisoirement placés entre deux feux, avec bien peu de chances d’échapper aux incidens, aux inévitables suites d’une incertitude systématiquement prolongée. M. le président du conseil, qui vantait l’autre jour le mérite et l’utilité de la belle humeur dans la vie publique, a pour son avènement une occasion toute trouvée de montrer qu’il est homme à ne pas se contenter de paroles dans un banquet, à opposer effectivement une politique de bonne humeur et surtout d’autorité prévoyante aux déclamateurs, aux agitateurs, à tous ceux qui se figurent qu’on mène un pays avec des bouleversemens périodiques et des manifestations turbulentes. On lui a ménagé du travail par tout ce qui a été fait jusqu’ici, et tout ce qui se prépare encore pour la paix et l’affermissement de la république !
Oui, en vérité, ce qu’on a imaginé de mieux, il y a quelques jours, pour occuper ou distraire la chambre des députés, c’est de réveiller cette question de révision constitutionnelle qui semblait provisoirement sommeiller. Comme on jouissait depuis trop longtemps de la paix, comme on n’avait guère perdu que six semaines à s’exciter, à batailler confusément, misérablement, pour cette triste affaire des princes, on a éprouvé le besoin de se procurer tout aussitôt un autre plaisir, de montrer qu’on ne tenait pas plus à l’intégrité de la constitution qu’à l’inviolabilité de la loi de 1834. On a fait revivre pour la circonstance cette proposition de révision qui a été discutée l’autre jour, toute affaire cessante. Et d’où vient-elle, cette idée d’une réforme des lois constitutionnelles? Peut-on du moins invoquer en sa faveur quelque nécessité évidente? peut-on dire qu’elle est née d’un mouvement sensible d’opinion, d’un vœu manifeste et pressant du pays? Assurément le pays, dont on parle toujours, n’a témoigné aucun désir, aucune ardeur pour cette réforme, qui, en définitive, peut être la préface d’un grand inconnu. Il a laissé passer le plus souvent, sans y attacher d’importance, tous ces programmes électoraux qui ont été recueillis avec une solennité assez ridicule comme des papiers précieux, où l’on va chercher aujourd’hui la preuve que la révision a été demandée, tout au moins acceptée d’avance par l’opinion. Le pays est resté, non pas, si l’on veut, absolument indifférent, mais à coup sûr assez froid, en se disant apparemment que, s’il souffre, si ses affaires sont médiocrement conduites, ce n’est pas la faute de la constitution, c’est la faute des politiques qui ne savent pas même se servir du pouvoir qu’ils ont. En réalité, les réformateurs impatiens, beaucoup plus impatiens que le pays, ce sont ceux qui rêvent de mettre à la place de la république