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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/501

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à défendre ou à gagner le terrain pied à pied, ils savent aussi, quand l’occasion se présente, aller au loin chercher le corps-à-corps avec l’ennemi. Le plus souvent victorieux en face des Français, ils n’ont pas toujours eu le même bonheur avec d’autres adversaires, et ces rebelles Hollandais, qu’ils affectent de mépriser, leur ont donné mainte leçon dont ils n’ont pas su profiter. Dès l’année 1600, dans la journée de Nieuport, Maurice de Nassau avait montré à leurs dépens comment une armée divisée en groupes maniables, sachant évoluer, changer de front, pouvait battre des troupes plus nombreuses, plus aguerries, mais rivées à une tactique fixe et sans souplesse. C’est l’histoire de la légion et de la phalange.

Il faut s’arrêter un moment à ces réformateurs de la tactique pour comprendre les revers qui vont frapper cette armée espagnole dont nous essayons d’expliquer la grandeur et la décadence. Le stathouder Maurice avait ouvert la voie, trouvé des formules pour le maniement de la pique et du mousquet, posé des règles pour disposer les troupes, varier leurs évolutions, combiner l’emploi des différentes armes. Rompant les entraves d’une organisation capricieuse, il avait créé des unités de combat d’égale valeur, le bataillon et l’escadron. La théorie est une lettre morte sans la pratique ; les principes posés par cet instructeur incomparable avaient reçu leur application sur le champ de bataille. Venu après Maurice, connaissant imparfaitement son œuvre, esprit très indépendant, Henri de Rohan avait essayé d’adapter les enseignemens de l’antiquité, surtout les leçons de César, au service des armées modernes ; il n’était guère sorti des idées générales ; non certes qu’il fût étranger à la conduite des troupes sur le terrain ; mais, n’ayant commandé que des armées de rencontre, il n’avait pas eu l’occasion de manier longtemps de suite un même instrument façonné à sa guise. D’un génie plus vaste et plus hardi, Gustave-Adolphe avait porté les réformes ébauchées en Hollande aussi loin que le permettait l’état de l’armement.


III. — L’ARMEE FRANCAISE. — PREMIERS MOUVEMENS DES ESPAGNOLS.

Les Espagnols, fiers d’avoir vaincu les Suédois à Nördlingen, continuant de malmener les Français, tenaient peu de compte des créations de Maurice et de Gustave. Pourquoi ces manœuvres nouvelles, ces subdivisions ? Fallait-il, pour quelques accidens, renoncer à ce vieil et glorieux ordre de bataille, changer l’allure de ces compagnies d’hommes d’armes, de ces tercios si fermes quand ils recevaient le choc, marchant si droit quand il fallait frapper ? Au